
Le trust, institution d’origine anglo-saxonne, s’impose de plus en plus dans les stratégies patrimoniales internationales. Pourtant, le droit civil français, attaché à la protection des héritiers réservataires et à la prévisibilité successorale, oppose à cette figure étrangère des mécanismes de contrôle et d’assimilation.
Définition et reconnaissance du trust en droit français
Définition légale (fiscale) du trust
L’article 792-0 bis du Code général des impôts (CGI) définit le trust comme :
« L’ensemble des relations juridiques créées dans le droit d’un État autre que la France par une personne qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d’y placer des biens ou droits, sous le contrôle d’un administrateur, dans l’intérêt d’un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d’un objectif déterminé.»
Cette définition, purement fiscale, n’emporte pas reconnaissance du trust en droit civil français, mais permet d’appréhender les transmissions à titre gratuit impliquant un trust étranger dès lors qu’il existe un lien de rattachement avec la France.
Reconnaissance conditionnelle en droit civil
Le trust n’est pas une institution du droit civil français. Toutefois, la jurisprudence admet que les trusts institués à l’étranger produisent des effets en France, à condition qu’ils aient été constitués conformément à la loi de leur État d’origine et qu’ils ne contreviennent pas à l’ordre public français, notamment en ce qui concerne la réserve héréditaire.
Exemple : Un trust constitué à Jersey par un résident britannique, dont les bénéficiaires sont des enfants résidant en France, sera reconnu en France pour ses effets patrimoniaux, sous réserve du respect de la réserve héréditaire.
Assimilation du trust à une institution française
Tendance jurisprudentielle à l’assimilation
En l’absence de reconnaissance du trust en droit civil, la tendance jurisprudentielle est d’assimiler le trust à une institution française équivalente (donation, legs) lors de la liquidation de la succession.
- Trust testamentaire : assimilé à un legs, soumis aux règles successorales.
- Trust entre vifs irrévocable : assimilé à une donation.
- Trust entre vifs révocable ou à effet différé : assimilé à une donation indirecte prenant effet au décès.
Exemple : Un trust révocable dont les bénéficiaires n’acquièrent les biens qu’au décès du constituant est qualifié de donation indirecte prenant effet au décès (Cass. 1re civ., 20 février 1996, n° 93-19.855, Zieseniss).
Protection de la réserve héréditaire et action en réduction
Principe d’intangibilité de la réserve
Le trust ne peut porter atteinte à la réserve héréditaire. Les héritiers réservataires peuvent exercer l’action en réduction contre les libéralités excédant la quotité disponible, y compris celles réalisées par l’intermédiaire d’un trust.
« Le droit successoral français garantit aux héritiers les plus proches, descendants et conjoint, une fraction du patrimoine du défunt. Il s’agit de la réserve héréditaire (…). Les libéralités ne seront efficaces que si leur montant n’excède pas la quotité disponible (…).»
Exemple : Un défunt français place la totalité de ses biens dans un trust au profit d’un tiers, au détriment de ses enfants : ces derniers peuvent agir en réduction pour obtenir la part réservataire.
Présomption d’inclusion dans la masse successorale
L’article 752 du CGI prévoit que les biens ou droits placés dans un trust sont, jusqu’à preuve du contraire, présumés faire partie de la succession pour la liquidation et le paiement des droits de succession, dès lors que le défunt en a eu la propriété ou a perçu les revenus ou a effectué une opération sur ces biens moins d’un an avant son décès.
Jurisprudence et fraude à la réserve
La jurisprudence n’hésite pas à écarter le trust en cas de fraude aux droits des héritiers :
« Le transfert apparent de droits au profit d’entités créées dans le cadre de trusts caractérise une fraude aux droits des héritiers et ne leur est pas opposable dès lors que le fonctionnement normal de ces entités a, pour des considérations fiscales et familiales illicites, été détourné par le constituant qui en a conservé la maîtrise globale » (Cass. 1re civ., 18 mai 2022, n° 20-20.609 FS-D).
Le droit civil français oppose au trust une résistance fondée sur la protection de la réserve héréditaire et l’assimilation à des institutions connues (donation, legs). La reconnaissance des effets du trust demeure conditionnée au respect de l’ordre public successoral, et toute tentative de contournement de la réserve est susceptible d’être sanctionnée par l’action en réduction ou l’écartement du trust pour fraude.
Nos avocats experts en fiscalité successorale, se tiennent à votre disposition pour répondre à toutes vos questions et vous conseiller. Nos entretiens peuvent se tenir en présentiel ou en visio-conférence. Vous pouvez prendre rendez-vous directement en ligne sur www.agn-avocats.fr.
AGN AVOCATS – Pôle Fiscalité
contact@agn-avocats.fr
09 72 34 24 72
- Actualités
- Assurance & Responsabilité
- Banque, finance et insolvabilité
- Contentieux & résolution des litiges
- Droit Administratif et Public
- Droit Contrats & Distribution
- Droit de la Famille
- Droit des Affaires
- Droit du Sport
- Droit du Travail
- Droit Pénal
- Droits spécifiques
- Fiscalité
- Immobilier
- Les Quiz AGN
- Propriété intellectuelle et droit du numérique
- Succession
- Technologies, blockchain & actifs numériques