L’héritage est un sujet sensible, parfois anxiogène, et pourtant essentiel pour assurer la bonne transmission de son patrimoine. Beaucoup de personnes ont entendu dire que certains pays “ne taxent plus les successions”, que “les enfants sont plus protégés ailleurs” ou qu’il suffirait de changer de résidence pour éviter les droits de succession.
La réalité est plus nuancée : chaque pays fait des choix très différents, reflétant une certaine philosophie entre protection de la famille, liberté de tester et fiscalité patrimoniale.
Cet article propose un décryptage clair des grands modèles étrangers, afin de mieux comprendre ce que la France fait bien… et ce qu’elle pourrait améliorer.
Des systèmes fiscaux et familiaux très différents selon les pays
Les études internationales montrent que les patrimoines, et donc les héritages, sont très concentrés. Dans de nombreux pays développés, une petite fraction de la population détient la majorité du patrimoine transmis. Cela explique pourquoi certains États choisissent de taxer davantage les transmissions, tandis que d’autres préfèrent encourager les donations familiales.
En Europe, une majorité de pays taxent encore les successions, mais près d’un tiers ont supprimé ou allégé très fortement ces impôts. Il existe donc un véritable patchwork de régimes fiscaux, allant de la taxation quasi inexistante à des barèmes pouvant atteindre 80 % dans certains cas extrêmes.
La France : une forte protection familiale et une fiscalité élevée
Une protection légale des héritiers très structurée
La France se distingue par un point fondamental : une part du patrimoine doit obligatoirement revenir aux enfants, c’est la réserve héréditaire. Elle assure qu’aucun enfant ne puisse être totalement écarté de la succession, même par testament.
Le conjoint survivant bénéficie, lui, d’une exonération totale de droits de succession, mais n’hérite pas automatiquement de la totalité du patrimoine, selon la composition de la famille.
Ce système protège efficacement les héritiers, mais limite la liberté de tester, notamment dans les familles recomposées.
Une fiscalité parmi les plus lourdes d’Europe
Les droits de succession français comportent des abattements intéressants en ligne directe, mais les taux progressifs montent rapidement : jusqu’à 45 % entre parents et enfants, et jusqu’à 60 % pour les non-parents.
Ces taux font de la France l’un des pays où les transmissions importantes peuvent être les plus coûteuses, en particulier lorsque le patrimoine est peu liquide.
Nos voisins européens : plus de souplesse fiscale, mais pas toujours plus de protection
Allemagne : généreuse pour les enfants, moins pour le conjoint
L’Allemagne accorde des abattements nettement plus élevés pour les enfants et applique des taux plus modérés que ceux de la France.
En revanche, le conjoint n’est pas totalement exonéré : au-delà d’un abattement important, il paie des droits.
Le système allemand illustre ainsi un compromis différent : une fiscalité familiale plus clémente, mais un conjoint un peu moins protégé qu’en France.
Belgique : douceur familiale mais sévérité envers les tiers
En Belgique, les héritiers proches sont souvent mieux lotis qu’en France, avec des taux plus faibles.
En revanche, la transmission à un ami ou un concubin non protégé peut être surtaxée à des niveaux très élevés.
Le choix politique est clair : la famille, oui ; les transmissions hors famille, beaucoup moins.
Portugal : quasi-absence d’impôt pour les transmissions familiales
Le Portugal ne taxe pas les transmissions entre conjoints, parents, enfants et petits-enfants.
Une taxe forfaitaire peut s’appliquer pour les transmissions hors famille, mais le cadre reste très attractif.
C’est l’un des pays où il peut être le plus avantageux de transmettre un patrimoine familial… à condition d’y avoir de véritables attaches.
Italie : un abattement exceptionnel d’un million d’euros
L’Italie offre un des régimes les plus favorables d’Europe : abattement d’un million d’euros par enfant et taux faibles ensuite.
En pratique, la majorité des transmissions familiales y sont faiblement imposées.
Ce modèle réduit fortement l’impact fiscal mais contribue à une concentration importante du patrimoine dans les mêmes familles.
Les pays qui n’imposent plus du tout les successions
Suède : suppression pour inefficacité
La Suède a supprimé l’impôt sur les successions il y a vingt ans, car il rapportait peu, était complexe et facilement contourné par les plus fortunés.
La suppression ne signifie pas absence de fiscalité : d’autres impôts, notamment sur le revenu et à la consommation, y sont plus élevés.
Norvège : abolition récente, mais maintien d’un impôt sur la fortune
La Norvège n’a plus de droits de succession depuis 2014.
Le pays continue toutefois de taxer largement le patrimoine via un impôt sur la fortune, particulièrement débattu pour son impact sur les entrepreneurs.
Le point clé à retenir : lorsqu’un pays supprime l’impôt sur les successions, il compense presque toujours par d’autres prélèvements sur le patrimoine.
Le monde anglo-saxon : grande liberté de tester, mais impôt potentiellement lourd
Liberté totale de désigner ses héritiers
Au Royaume-Uni, aux États-Unis ou dans d’autres pays de common law, la liberté testamentaire est beaucoup plus large qu’en France : un parent peut théoriquement déshériter un enfant.
Les tribunaux peuvent néanmoins intervenir a posteriori pour rétablir une forme d’équité lorsqu’un proche était dépendant financièrement du défunt.
Une fiscalité élevée pour les gros patrimoines
Le Royaume-Uni applique par exemple un taux de 40 % au-delà d’un seuil exonéré.
Si ce seuil permet à de nombreux ménages d’éviter l’impôt, les patrimoines élevés sont fortement concernés.
Là encore, les philosophies diffèrent : liberté de tester élevée, mais taxation significative dans les successions importantes.
Les successions internationales : source majeure de pièges juridiques
Avec la mobilité grandissante, expatriation, retraite au Portugal, enfants vivant à Berlin ou Londres, biens immobiliers situés dans plusieurs pays, les successions deviennent rapidement complexes.
Un règlement européen permet aujourd’hui d’anticiper la loi qui s’appliquera, notamment en choisissant la loi de sa nationalité dans un testament.
Cela évite que votre succession soit soumise par défaut à une législation étrangère moins protectrice ou plus complexe.
Les erreurs les plus courantes concernent :
- des testaments contradictoires ou non reconnus dans certains pays,
- une double imposition faute d’anticipation fiscale,
- l’application involontaire d’un droit étranger supprimant la réserve des enfants,
- des biens immobiliers taxés différemment selon leur localisation.
Dans ces configurations, un simple testament “standard” est souvent insuffisant.
Alors, qui fait réellement mieux que la France ?
Tout dépend de ce que l’on regarde :
- En fiscalité pure, certains pays font mieux : Portugal, Italie, Allemagne, ou encore les pays scandinaves qui ont supprimé l’impôt.
- En protection familiale, la France demeure l’un des systèmes les plus protecteurs vis-à-vis des enfants et du conjoint.
- En liberté de tester, les pays anglo-saxons devancent largement la France, mais au prix d’une plus grande insécurité pour les héritiers.
La France est donc dans la moyenne haute en termes de protection, et dans la moyenne haute en termes de fiscalité, mais son système reste solide, lisible et adapté à la majorité des situations familiales.
Comment bien anticiper sa succession ?
Quelques actions simples permettent d’optimiser sa succession, même sans changer de pays :
- Analyser votre situation familiale : enfants de différentes unions, conjoint, pacsé, etc.
- Organiser l’équilibre entre protection du conjoint et intérêts des enfants.
- Préparer tôt la transmission : donations, démembrement, assurance-vie, contrat de mariage.
- Vérifier les effets d’un éventuel changement de résidence : ce n’est jamais neutre.
- Sécuriser un testament conforme à vos objectifs et à la loi applicable.
L’important n’est pas de copier un autre pays, mais de choisir la bonne stratégie
Certains pays taxent beaucoup, d’autres pas du tout. Certains protègent les enfants, d’autres laissent une grande liberté au testateur.
L’essentiel est d’identifier le modèle qui correspond réellement à votre situation familiale et patrimoniale, puis de mettre en place les outils adaptés.
Une succession bien préparée est rarement source de conflit. Une succession improvisée l’est presque toujours.
Nos avocats experts en succession se tiennent à votre disposition pour vous conseiller et vous assister dans toutes vos démarches. Nous proposons des consultations en présentiel ou en visioconférence. Vous pouvez prendre rendez-vous directement en ligne sur www.agn-avocats.fr.
AGN AVOCATS – Pôle Succession
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