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Succession internationale : y a-t-il une double imposition ?

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Hériter d’une succession présentant des éléments internationaux soulève immédiatement des interrogations fiscales légitimes. Dans quel pays faut-il régler les droits de succession ? Existe-t-il un risque de devoir payer deux fois les mêmes droits dans différents pays ? Ces questions préoccupent naturellement les héritiers confrontés à une succession comportant des biens situés à l’étranger ou impliquant des personnes résidant dans plusieurs pays.

La fiscalité des successions internationales obéit à des règles complexes mobilisant à la fois les législations nationales et les conventions fiscales bilatérales. Comprendre ces mécanismes permet d’anticiper les obligations déclaratives et fiscales, d’éviter les erreurs coûteuses et de bénéficier des dispositifs de crédit d’impôt destinés à limiter la double imposition.

Qu’est-ce qu’une succession internationale ?

Une succession revêt un caractère international lorsqu’elle présente des connexions avec plusieurs pays. Cette situation d’extranéité peut résulter de plusieurs circonstances distinctes ou cumulatives.

Le caractère international peut d’abord découler de la résidence du défunt à l’étranger au moment de son décès. Il peut également résulter de la localisation de biens dans un ou plusieurs pays étrangers, qu’il s’agisse de biens immobiliers, de comptes bancaires, de placements financiers ou de tout autre actif successoral. Enfin, la résidence d’un ou plusieurs héritiers à l’étranger confère également ce caractère international à la succession.

Ces éléments d’extranéité rendent le règlement de la succession significativement plus complexe, tant sur le plan civil que fiscal. Les héritiers doivent naviguer entre différentes législations nationales, identifier les obligations déclaratives dans chaque pays concerné et comprendre les mécanismes destinés à éviter ou limiter la double imposition.

L’obligation de déclaration en France

Les situations nécessitant une déclaration française

Plusieurs hypothèses imposent le dépôt d’une déclaration de succession auprès de l’administration fiscale française. Premièrement, si vous êtes résident fiscal en France et que vous héritez de biens situés à l’étranger, une déclaration doit être déposée en France.

Deuxièmement, si vous résidez à l’étranger mais que vous héritez de biens situés en France, vous devez également effectuer cette démarche auprès du service des impôts compétent. Dans ces deux configurations, l’administration fiscale française revendique un droit de taxation justifiant l’obligation déclarative.

Les délais de déclaration

Les héritiers disposent d’un délai de six mois à compter du décès pour déposer la déclaration de succession lorsque le décès est intervenu en France métropolitaine. Ce délai constitue un impératif strict dont le non-respect peut entraîner l’application de majorations et de pénalités substantielles.

Lorsque le décès est survenu à l’étranger, le législateur a tenu compte des difficultés pratiques supplémentaires liées à l’éloignement géographique et à la nécessité d’obtenir des documents auprès d’administrations étrangères. Le délai de déclaration est donc porté à douze mois, offrant aux héritiers un temps plus confortable pour rassembler les pièces nécessaires et accomplir les formalités requises.

Les droits de succession à payer en France

Le principe général de taxation

En règle générale, le pays dans lequel le défunt avait établi sa résidence fiscale au moment de son décès taxe la totalité des biens présents dans la succession. Ce principe de taxation mondiale fondé sur le domicile fiscal du défunt structure l’essentiel du droit fiscal successoral.

Ainsi, si le défunt était domicilié fiscalement en France, tous les biens composant sa succession, qu’ils soient situés en France ou à l’étranger, sont soumis à l’imposition française conformément à l’article 4 B du Code général des impôts. Cette règle établit une taxation exhaustive indépendante de la localisation géographique des actifs successoraux.

Le cas des héritiers domiciliés en France

La législation française prévoit également une taxation fondée sur le domicile des héritiers. Si le défunt était domicilié fiscalement hors de France, mais que les héritiers sont domiciliés fiscalement en France au jour du décès et ont résidé en France au moins six ans au cours des dix années précédentes, des droits de succession sont exigibles en France.

Cette règle vise à éviter l’évasion fiscale qui pourrait résulter d’un transfert de domicile fiscal temporaire par le défunt dans un pays à fiscalité successorale avantageuse, tout en conservant des héritiers effectivement établis en France.

La dispense totale d’imposition

Les successions sont totalement dispensées du paiement des droits de succession en France lorsque deux conditions sont cumulativement remplies. D’abord, le défunt et tous les héritiers doivent être domiciliés fiscalement hors de France au moment du décès. Ensuite, l’ensemble des biens présents dans la succession doivent être situés hors du territoire français.

Cette double condition garantit l’absence de tout lien fiscal pertinent avec la France justifiant une taxation par l’administration française.

Le risque de double imposition

Les situations génératrices de double imposition

La double imposition peut survenir dans les successions internationales dans deux configurations principales. Premièrement, lorsque les biens du défunt sont situés dans plusieurs pays, chaque État de localisation peut revendiquer un droit de taxation sur les biens situés sur son territoire. Deuxièmement, lorsque le défunt ou les héritiers sont domiciliés dans différents pays, plusieurs États peuvent simultanément fonder leur droit de taxation sur des critères de rattachement distincts.

Dans ces situations, plusieurs États prétendent légitimement taxer la même succession, créant un risque réel de double paiement des droits successoraux. Cette double taxation peut rapidement devenir confiscatoire et réduire considérablement l’actif net transmis aux héritiers.

Les conventions fiscales bilatérales

Le principe de primauté conventionnelle

Pour éviter ou limiter ces situations préjudiciables de double imposition, la France a conclu des conventions fiscales bilatérales avec de nombreux pays. Ces traités internationaux établissent des règles spécifiques de répartition du droit de taxer entre les États contractants.

Lorsqu’une convention fiscale existe entre la France et le pays de résidence du défunt ou de localisation des biens, cette convention prime sur les lois internes de chaque État. Les héritiers doivent impérativement consulter le contenu précis de la convention applicable pour comprendre les règles de taxation effectives.

Exemple : la convention franco-espagnole

La convention fiscale franco-espagnole de 1963 illustre parfaitement le mécanisme conventionnel. Ce texte dispose que les biens immobiliers faisant partie de la succession d’une personne ayant eu, au moment de son décès, la qualité de résident de France ou d’Espagne ne sont soumis à l’impôt sur les successions que dans l’État contractant où ces biens se trouvent situés.

Ainsi, dans une succession composée de 200 000 euros de biens immobiliers en France et de 300 000 euros de biens immobiliers en Espagne, les héritiers seront redevables de droits de succession uniquement en France sur la valeur de 200 000 euros et uniquement en Espagne sur la valeur de 300 000 euros. Chaque État taxe exclusivement les biens situés sur son territoire, éliminant tout risque de double imposition.

L’absence de convention fiscale : le crédit d’impôt

Le risque persistant de double taxation

Dans l’hypothèse où la France n’a pas conclu de convention fiscale avec le pays concerné, le risque de double taxation demeure entier. Les héritiers peuvent se trouver dans l’obligation de payer des droits de succession dans deux pays différents sur les mêmes biens.

Par exemple, dans le cadre d’une succession de 500 000 euros où le défunt vivait au Honduras et les héritiers résident en France, il existe un risque de double taxation. La France et le Honduras n’ayant pas signé de convention fiscale, les héritiers sont potentiellement soumis aux droits de succession dans les deux pays selon leurs législations respectives.

Le mécanisme du crédit d’impôt français

Pour atténuer cette situation préjudiciable, la législation française prévoit un crédit d’impôt lorsque des droits de succession ont déjà été acquittés à l’étranger pour des biens situés hors de France. Ce mécanisme, codifié à l’article 784 A du Code général des impôts, permet de déduire des droits français dus le montant des droits étrangers effectivement payés.

Toutefois, ce crédit d’impôt est soumis à deux conditions strictes. D’abord, il ne s’applique que pour les droits payés à l’étranger sur des biens qui ne se trouvent pas en France. Ensuite, les droits de succession doivent avoir été effectivement et définitivement acquittés dans le pays étranger où les biens sont situés.

Le plafonnement du crédit d’impôt

Le crédit d’impôt ne peut excéder le montant des droits de succession français dus sur ces mêmes biens. Cette règle de plafonnement évite que le crédit d’impôt ne devienne un mécanisme de remboursement au-delà de l’impôt français effectivement dû.

Illustration pratique : un héritier paie 30 000 euros de droits à l’étranger pour un bien immobilier. Si la France estime que les droits dus pour ce même bien s’élèvent à 20 000 euros, le crédit d’impôt en France sera plafonné à 20 000 euros. L’héritier ne paiera donc aucun droit supplémentaire en France sur ce bien.

Inversement, si les droits dus en France s’élèvent à 35 000 euros, le crédit d’impôt sera limité aux 30 000 euros effectivement payés à l’étranger, et l’héritier devra encore acquitter 5 000 euros en France. Ce mécanisme, bien qu’imparfait, limite significativement l’effet confiscatoire de la double imposition.

La fiscalité des successions internationales constitue un domaine complexe où le risque de double imposition représente une préoccupation majeure pour les héritiers. Le principe général veut que l’État de résidence fiscale du défunt taxe l’ensemble de la succession, mais de nombreuses exceptions et situations particulières peuvent modifier cette règle de base.

Les conventions fiscales bilatérales constituent le mécanisme le plus efficace pour éliminer la double imposition en répartissant clairement le droit de taxer entre les États concernés. En l’absence de convention applicable, le crédit d’impôt français permet de limiter partiellement l’effet de la double taxation en déduisant les droits étrangers payés des droits français dus.

Face à la complexité technique de ces règles et aux enjeux financiers considérables, l’accompagnement par un professionnel du droit compétent en droit des successions internationales et en droit fiscal s’avère indispensable pour sécuriser le règlement de la succession, optimiser la charge fiscale et garantir le respect des obligations déclaratives dans chaque pays concerné.

Nos avocats en droit international des successions et droit fiscal patrimonial se tiennent à votre disposition pour répondre à toutes vos questions et vous conseiller. Nous proposons des entretiens en présentiel ou en visioconférence. Vous pouvez prendre rendez-vous directement en ligne sur https://www.agn-avocats.fr/.

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