https://www.agn-avocats.fr/blog/francais-a-letranger/fiscalite-expatrie/revenus-fonciers-etrangers-sont-ils-vraiment-exoneres/

Revenus fonciers étrangers : sont-ils vraiment exonérés ?

revenus-fonciers-exoneration-francais-etranger-fiscalite.jpg

Les résidents fiscaux français percevant des revenus fonciers de source étrangère font souvent face à une idée reçue : ces revenus seraient exonérés d’impôt en France. Cette perception découle d’une compréhension incomplète des mécanismes conventionnels d’élimination de la double imposition. En réalité, parler d’exonération totale constitue un abus de langage qui nécessite des clarifications techniques approfondies.

Les conventions fiscales internationales établissent certes des méthodes destinées à atténuer la double imposition des revenus fonciers étrangers, mais ces mécanismes conduisent généralement à une imposition effective en France, bien que calculée selon des modalités particulières. Comprendre ces mécanismes permet d’appréhender la charge fiscale réelle pesant sur ces investissements immobiliers internationaux.

L’origine des revenus fonciers étrangers

Les résidents fiscaux français perçoivent des revenus fonciers de source étrangère dans plusieurs configurations patrimoniales. Premièrement, lors de l’acquisition directe d’un bien immobilier locatif situé à l’étranger, les loyers perçus constituent des revenus fonciers de source étrangère.

Deuxièmement, la souscription à des fonds d’investissement immobilier du type SCPI (Sociétés Civiles de Placement Immobilier) internationales génère également des revenus fonciers étrangers. Ces véhicules d’investissement collectif permettent d’investir indirectement dans l’immobilier locatif étranger tout en bénéficiant d’une mutualisation des risques et d’une gestion professionnelle.

Certaines SCPI ont progressivement internationalisé leurs portefeuilles d’actifs, diversifiant géographiquement leurs investissements immobiliers. Cette stratégie expose leurs porteurs de parts à la fiscalité internationale des revenus fonciers.

Le principe de l’imposition mondiale des résidents français

Sous réserve de l’application des conventions fiscales internationales, les contribuables domiciliés fiscalement en France sont soumis à une obligation fiscale illimitée. Ce principe fondamental signifie qu’ils doivent déclarer et payer l’impôt en France sur l’ensemble de leurs revenus mondiaux, incluant donc leurs revenus de source française et leurs revenus de source étrangère.

Cette obligation fiscale illimitée découle directement du statut de résident fiscal français et constitue la règle de droit commun applicable avant toute application des conventions fiscales bilatérales.

Le principe conventionnel : imposition dans le pays de situation

Les conventions fiscales conclues selon le modèle OCDE établissent un principe directeur en matière de revenus fonciers : les loyers sont imposables dans le pays de situation géographique de l’immeuble. Cette règle de territorialité vise à reconnaître le droit d’imposer prioritaire de l’État sur le territoire duquel se trouve le bien générateur de revenus.

Toutefois, ce principe d’imposition dans le pays de situation ne signifie pas nécessairement une absence totale d’imposition en France. Les conventions prévoient deux méthodes principales pour éliminer ou atténuer la double imposition résultant de cette situation : la méthode de l’imputation par crédit d’impôt et la méthode du taux effectif.

La méthode de l’imputation par crédit d’impôt

Le principe général

Dans le système de l’imputation, l’État de résidence du contribuable, la France dans notre situation, impose effectivement le revenu foncier étranger dans les conditions de droit commun. Toutefois, pour compenser cette imposition et éviter la double taxation, la France octroie un crédit d’impôt venant en déduction de l’impôt français calculé.

Ce mécanisme garantit que le contribuable ne paie pas deux fois l’intégralité de l’impôt, tout en permettant à la France de maintenir une certaine taxation sur ces revenus mondiaux.

Les deux modalités de calcul du crédit

Le crédit d’impôt peut être calculé selon deux modalités différentes selon les stipulations de chaque convention fiscale bilatérale.

Dans la première modalité, le crédit d’impôt est égal au montant de l’impôt étranger effectivement acquitté dans l’autre État. Cette méthode du crédit d’impôt égal à l’impôt étranger comporte toutefois une limitation importante : le montant du crédit d’impôt ne peut jamais dépasser le montant de l’imposition française correspondant spécifiquement à ce revenu étranger.

Dans la seconde modalité, appliquée notamment par les conventions avec l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, le crédit d’impôt est égal à l’impôt français qui aurait été calculé sur ces seuls revenus de source étrangère. Cette méthode conduit à imposer les revenus fonciers étrangers au taux moyen d’imposition du foyer fiscal plutôt qu’au taux marginal.

Le calcul du crédit d’impôt : formule technique

Le crédit d’impôt selon la seconde modalité se calcule selon la formule suivante :

Crédit d’impôt = Impôt total sur revenus mondiaux × (Revenus fonciers étrangers / Revenus mondiaux)

Cette formule revient à isoler la part d’impôt français correspondant spécifiquement aux revenus fonciers étrangers, en appliquant le taux moyen d’imposition du foyer fiscal à ces seuls revenus.

L’application aux prélèvements sociaux

La plupart des conventions fiscales étendent le bénéfice du crédit d’impôt aux prélèvements sociaux (CSG, CRDS, prélèvement de solidarité). Ces prélèvements, appliqués à un taux proportionnel de 17,2%, sont intégralement effacés par le crédit d’impôt.

Cette élimination totale des prélèvements sociaux contraste avec l’impôt sur le revenu dont seule une partie est neutralisée. La différence s’explique par la nature proportionnelle des prélèvements sociaux, contrairement au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

La méthode du taux effectif

Le principe de l’exemption avec progressivité

Dans le système du taux effectif, également appelé méthode de l’exemption avec progressivité, les revenus fonciers étrangers ne sont pas directement imposables en France. Cette apparence d’exonération explique la perception erronée d’une exemption totale.

Toutefois, ces revenus sont pris en compte pour calculer le taux moyen d’imposition applicable au contribuable. Cette méthode est notamment utilisée par les conventions avec la Belgique, les Pays-Bas et le Portugal en matière de revenus fonciers.

Le mécanisme de calcul

L’application de la règle du taux effectif se déroule en plusieurs étapes. Premièrement, on calcule l’impôt théorique qui serait dû sur l’ensemble des revenus mondiaux du contribuable, incluant donc les revenus fonciers étrangers.

Deuxièmement, on détermine le taux moyen d’imposition en divisant cet impôt théorique par le total des revenus mondiaux. Troisièmement, on applique ce taux moyen uniquement aux revenus effectivement imposables en France, excluant donc les revenus fonciers étrangers.

Formule : Impôt dû = (Impôt sur revenus mondiaux / Revenus mondiaux) × Revenus imposables en France

L’objectif : maintenir la progressivité

Cette règle du taux effectif a pour objectif de maintenir intégralement la progressivité de l’impôt acquitté en France malgré les exonérations conventionnelles. Sans ce mécanisme, l’exemption des revenus étrangers pourrait artificiellement abaisser le taux d’imposition applicable aux revenus français, créant un avantage fiscal non souhaité.

La réalité de l’imposition : un surplus d’impôt inévitable

L’équivalence économique des deux méthodes

Une analyse technique démontre que ces deux méthodes, bien qu’apparemment différentes, reviennent économiquement au même résultat pour le contribuable. Dans les deux cas, le contribuable paie effectivement un impôt supplémentaire en France sur les revenus fonciers étrangers.

Ce surplus d’impôt français se calcule en appliquant aux revenus fonciers étrangers un taux d’imposition égal à la différence entre le taux marginal d’imposition et le taux moyen d’imposition du foyer fiscal.

Exemple chiffré comparatif

Prenons l’exemple d’un contribuable percevant 10 000 euros de revenus fonciers étrangers supplémentaires. Si ce contribuable se situe dans la tranche marginale d’imposition à 30% avec un taux moyen d’imposition de 11%, le surplus d’impôt français sera calculé sur les 10 000 euros au taux de 19% (30% – 11%), soit 1 900 euros d’impôt supplémentaire.

Ce calcul s’applique identiquement quelle que soit la méthode conventionnelle retenue (imputation ou taux effectif), démontrant leur équivalence économique lorsque l’assiette d’imposition reste identique.

La prise en compte de l’impôt étranger

Pour apprécier la charge fiscale totale pesant sur ces revenus fonciers étrangers, il convient naturellement d’ajouter l’impôt acquitté dans l’État étranger de situation de l’immeuble.

Prenons l’exemple de l’Allemagne. Toute structure française détenant des immeubles locatifs en Allemagne est imposée à l’impôt sur les sociétés allemand au taux de 15,825% au titre des revenus fonciers perçus. En ajoutant le surplus d’impôt français de 19% calculé précédemment, la taxation totale atteint 34,825%.

À titre de comparaison, des revenus fonciers de source française pour un contribuable situé dans la tranche marginale à 30% supporteraient une taxation totale de 47,2% (30% d’impôt sur le revenu + 17,2% de prélèvements sociaux).

L’influence de la proportion des revenus étrangers

Un facteur supplémentaire influence le frottement fiscal : la proportion des revenus fonciers étrangers dans l’ensemble des revenus globaux du foyer fiscal. Plus cette proportion est élevée, plus le taux moyen d’imposition se rapproche du taux marginal, réduisant mécaniquement l’écart et donc le surplus d’impôt français applicable.

Contrairement à une idée reçue tenace, les revenus fonciers de source étrangère perçus par des résidents fiscaux français ne bénéficient pas d’une véritable exonération d’impôt en France. Les conventions fiscales internationales prévoient certes des mécanismes destinés à éliminer ou atténuer la double imposition, mais ces dispositifs (crédit d’impôt ou taux effectif) conduisent dans tous les cas à une imposition effective en France.

Cette imposition française s’ajoute à la taxation dans le pays de situation de l’immeuble, générant une charge fiscale globale qu’il convient d’analyser précisément avant tout investissement immobilier international. Parler d’élimination totale de la double imposition ou d’exonération des revenus fonciers étrangers constitue donc un abus de langage masquant la réalité fiscale de ces investissements.

La complexité technique de ces mécanismes conventionnels, la diversité des stipulations selon les pays et l’importance des enjeux patrimoniaux justifient pleinement le recours à un accompagnement juridique et fiscal pour évaluer précisément la charge fiscale effective, optimiser la structuration de l’investissement et sécuriser les obligations déclaratives.

Nos avocats en droit fiscal international se tiennent à votre disposition pour répondre à toutes vos questions et vous conseiller. Nous proposons des entretiens en présentiel ou en visioconférence. Vous pouvez prendre rendez-vous directement en ligne sur https://www.agn-avocats.fr/.

AGN AVOCATS – Pôle Fiscalité
contact@agn-avocats.fr
09 72 34 24 72