https://www.agn-avocats.fr/blog/francais-a-letranger/succession-etranger/succession-internationale-regles-applicables-et-solutions/

Succession internationale : règles applicables et solutions

les-successions-internationales-regles-et-solutions.jpg

Les successions internationales soulèvent des questions juridiques et fiscales complexes nécessitant une expertise. Lorsqu’un décès implique des éléments d’extranéité, que ce soit par la nationalité du défunt, sa résidence habituelle ou la localisation de ses biens, la détermination de la loi applicable et des règles de partage devient un exercice délicat mobilisant à la fois le droit français, les règlements européens et les conventions internationales.

L’harmonisation européenne intervenue en 2015 a simplifié certains aspects, mais de nombreuses questions demeurent, particulièrement en matière fiscale où chaque État conserve sa souveraineté. Comprendre ces mécanismes permet d’anticiper les difficultés et d’organiser efficacement la transmission de son patrimoine international.

Qu’est-ce qu’une succession internationale ?

Les trois situations caractéristiques

Une succession revêt un caractère international dans trois hypothèses principales. Premièrement, lorsqu’un étranger décède dans un pays dont il n’est pas le ressortissant, créant un décalage entre nationalité et lieu de décès. Deuxièmement, lorsque le défunt possédait plusieurs nationalités, soulevant la question de la loi nationale applicable. Troisièmement, lorsqu’une personne possède des biens situés hors de son pays d’origine ou de domicile, dispersant géographiquement l’actif successoral.

Ces situations, devenues fréquentes avec la mobilité internationale croissante des personnes et la diversification géographique des patrimoines, nécessitent une approche juridique adaptée pour identifier les héritiers et déterminer leurs droits respectifs dans la succession.

La loi applicable aux successions internationales

Le règlement européen de 2012

Depuis le 17 août 2015, le règlement européen n° 650/2012 a profondément simplifié le traitement des successions internationales dans leurs aspects de droit civil. Ce texte fondamental introduit une règle unifiée : une seule loi s’applique désormais à l’ensemble de la succession, mettant fin au système antérieur qui distinguait biens meubles et biens immobiliers.

Le principe posé par le règlement est clair : la loi applicable est celle de l’État dans lequel se trouvait la dernière résidence habituelle du défunt au moment de son décès. Cette règle unique facilite considérablement la détermination du droit applicable et évite l’enchevêtrement de plusieurs législations nationales comme c’était le cas auparavant.

Ce règlement s’applique dans toute l’Union européenne à l’exception notable du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark qui n’ont pas participé à son adoption. Pour ces pays, les règles anciennes continuent de s’appliquer.

L’ancien système français avant 2015

Jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement européen, les règles françaises différenciaient la loi applicable selon la nature des biens. Les biens mobiliers (sommes d’argent, comptes bancaires, meubles, valeurs mobilières) étaient soumis à la loi du dernier domicile du défunt. Les biens immobiliers obéissaient quant à eux à la loi du pays dans lequel ils étaient situés, conformément au principe de lex rei sitae.

Ce système conduisait à l’application simultanée de plusieurs droits lors d’une même succession, complexifiant considérablement le règlement et créant des risques de conflits entre législations. Le règlement de 2015 a mis fin à cette fragmentation en unifiant la loi applicable.

L’effet du règlement : l’unité successorale

Grâce au règlement européen, une fois les héritiers déterminés selon la loi applicable unique, ils recueillent l’ensemble des biens du défunt quelle que soit la localisation géographique de ces biens. Cette unité successorale simplifie grandement les opérations de partage et évite les contradictions potentielles entre différentes législations nationales.

L’anticipation et la gestion d’une succession internationale

Le choix de la loi applicable

Le règlement européen de 2012 offre une faculté précieuse au testateur : choisir la loi de son pays de nationalité comme loi applicable à sa succession. Selon les articles 22 et 23 du règlement, ce choix détermine à la fois les droits des héritiers et la validité des actes authentiques comme le certificat successoral européen.

Cette professio juris permet une prévisibilité accrue et évite l’application automatique de la loi de la dernière résidence habituelle qui pourrait ne pas correspondre aux souhaits du défunt. En cas de multiples nationalités, le ressortissant peut choisir librement la loi qu’il souhaite voir s’appliquer, à condition que ce choix soit expressément mentionné dans son testament.

L’article 10 du règlement prévoit une disposition d’application universelle particulièrement avantageuse : le règlement s’applique à toutes les successions dès lors que le défunt avait la nationalité d’un État membre au moment de son décès, ou à défaut qu’il avait sa résidence habituelle dans un État membre au moins cinq ans avant la saisine du tribunal.

La rédaction d’un testament adapté

Le testament constitue l’instrument privilégié pour organiser sa succession internationale. Il permet au défunt de choisir explicitement la loi applicable et de désigner les héritiers de son choix. Toutefois, une attention particulière doit être portée au respect des règles du pays dans lequel le testament est rédigé.

Un testament rédigé en France ne peut déshériter totalement les enfants du testateur, le droit français protégeant impérativement leur réserve héréditaire. Un tel testament serait nul. En revanche, un testament rédigé aux États-Unis pourrait valablement exclure des enfants, le droit américain accordant une liberté testamentaire quasi-totale.

Cette différence illustre l’importance de bien comprendre les contraintes du droit applicable avant de rédiger tout testament dans un contexte international. Une rédaction inadaptée pourrait conduire à l’annulation partielle ou totale des dispositions testamentaires.

L’accompagnement par un professionnel

Face à la complexité des règles applicables, la consultation d’un notaire ou d’un avocat expert en droit des successions internationales s’avère indispensable. Ces professionnels permettent d’anticiper les problèmes de conflits de lois et de s’assurer que la succession sera bien gérée dans le respect des règles applicables dans les différents pays concernés.

Ils peuvent également conseiller sur les stratégies optimales de transmission patrimoniale tenant compte des implications fiscales dans les différentes juridictions concernées.

La fiscalité des successions internationales

Les règles de territorialité fiscale

Si l’harmonisation européenne a unifié le traitement civil des successions, chaque État conserve sa pleine souveraineté fiscale. La fiscalité successorale obéit donc à des règles spécifiques souvent sources de complexité.

En principe, l’État où est domicilié le défunt dispose du droit de taxer l’ensemble des biens existant dans son patrimoine au jour du décès. Toutefois, la France prévoit deux exceptions majeures : lorsque les biens du défunt sont situés en France, ils demeurent taxables en France, et lorsque les héritiers ou légataires sont domiciliés en France depuis au moins six ans au cours des dix dernières années précédant la succession, ils restent imposables en France sur leur part successorale.

Les conventions fiscales bilatérales

Lorsque le défunt ou ses héritiers ne sont pas domiciliés en France, il convient impérativement de rechercher l’existence d’une convention bilatérale signée entre la France et le pays concerné. Ces conventions prévalent sur les lois nationales et établissent des règles spécifiques de répartition du droit de taxer entre les deux États.

Ces conventions visent principalement à éviter ou limiter la double imposition, situation où le même bien serait taxé deux fois dans deux pays différents. Elles déterminent quel État peut taxer quels types de biens et prévoient généralement des mécanismes de crédit d’impôt.

Les règles françaises en l’absence de convention

En l’absence de convention fiscale applicable, l’article 750 ter du Code général des impôts détermine les règles de taxation. Ce texte établit une distinction fondamentale selon que le défunt était ou non domicilié fiscalement en France.

Si le défunt était domicilié fiscalement en France au moment du décès, tous les biens transmis, meubles ou immeubles, sont soumis à l’impôt français peu importe leur localisation géographique et peu importe le domicile de l’héritier. Cette règle établit une taxation mondiale basée sur le domicile du défunt.

Pour un défunt dont la résidence était à l’étranger, un héritier n’est imposable en France que si son domicile fiscal se situe en France au jour de la mutation et qu’il y a vécu au moins six ans au cours des dix dernières années. Dans le cas contraire, il échappe aux droits français sur les biens meubles et immeubles situés hors de France dont il hérite.

Le mécanisme du crédit d’impôt

Pour atténuer les situations de double imposition, la loi française permet d’imputer l’impôt payé dans un pays étranger sur l’impôt dû en France. Ce crédit d’impôt évite qu’un héritier ne supporte deux fois la charge fiscale sur un même bien, rendant la situation plus équitable.

Les délais déclaratifs

La déclaration de succession doit être déposée dans les six mois à compter de la date du décès lorsque celui-ci est intervenu en France. Ce délai est porté à un an lorsque le décès a eu lieu à l’étranger, tenant compte des difficultés pratiques supplémentaires liées à l’éloignement géographique.

Les successions internationales constituent un domaine juridique complexe articulant règles civiles harmonisées au niveau européen et fiscalités nationales conservant leur autonomie. Le règlement européen de 2012 a considérablement simplifié la détermination de la loi applicable en instaurant une règle unique fondée sur la dernière résidence habituelle, tout en offrant la faculté de choisir la loi nationale.

L’anticipation par testament et le choix éclairé de la loi applicable permettent de sécuriser la transmission patrimoniale et d’éviter les conflits ultérieurs. La dimension fiscale nécessite une analyse approfondie des conventions bilatérales et des règles nationales pour optimiser la charge fiscale et éviter la double imposition.

La complexité technique de ces questions et l’importance des enjeux patrimoniaux justifient pleinement le recours à un accompagnement juridique en droit international des successions pour anticiper, organiser et gérer efficacement ces situations transfrontalières.

Nos avocats en droit international des successions et droit patrimonial se tiennent à votre disposition pour répondre à toutes vos questions et vous conseiller. Nous proposons des entretiens en présentiel ou en visioconférence. Vous pouvez prendre rendez-vous directement en ligne sur https://www.agn-avocats.fr/.

AGN AVOCATS – Pôle Succession
contact@agn-avocats.fr
09 72 34 24 72