Face au coût élevé des contrats d’expatriation traditionnels, les entreprises françaises proposent de plus en plus fréquemment des contrats locaux à leurs salariés souhaitant travailler à l’étranger. Cette évolution répond à une logique économique évidente pour les employeurs, mais soulève des interrogations légitimes pour les salariés concernés : quelles sont les véritables conséquences de ce choix ? Quels droits pourriez-vous perdre en acceptant de signer un contrat local ? Comment sécuriser votre avenir professionnel et votre retour éventuel en France ?
Le contrat local peut comporter des avantages pour le salarié, notamment pour une installation durable à l’étranger, mais comporte également des risques qu’il convient d’analyser méthodiquement avant toute signature. La complexité juridique de ces contrats internationaux et l’importance des enjeux personnels et professionnels nécessitent une préparation rigoureuse et, le cas échéant, un accompagnement juridique personnalisé.
La loi applicable au contrat local
La rupture du contrat français
Dans le cadre d’un contrat local, l’employeur propose généralement de mettre un terme au contrat conclu avec l’entité française afin que le salarié signe un nouveau contrat directement avec la société étrangère. Le contrat français est donc appelé à disparaître, puis à être remplacé par un contrat soumis au droit local, à la différence du détachement ou de l’expatriation « classique », qui maintiennent un lien juridique avec l’employeur français. En pratique, cette rupture est fréquemment présentée comme une simple démission. C’est une option à écarter : elle priverait le salarié des garanties liées à une rupture encadrée, en particulier de ses droits à l’assurance chômage.
Le salarié en contrat local n’a plus aucune relation juridique avec sa société française d’origine, même si ces deux entités appartiennent au même groupe multinational. Cette rupture formelle entraîne des conséquences juridiques majeures sur l’ensemble des aspects de la relation de travail.
Les statuts juridiques de la mobilité internationale
Lorsqu’un salarié est envoyé à l’étranger pour certaines périodes, plusieurs statuts juridiques sont envisageables : le détachement, l’expatriation ou le travailleur sous contrat local. Juridiquement, le salarié recruté directement par une société étrangère sans lien préalable avec une entreprise française n’est ni expatrié ni détaché.
Cette distinction fondamentale conditionne l’application du droit du travail, l’affiliation au régime de protection sociale et les perspectives de retour en France. Le choix du statut constitue donc une décision stratégique engageant durablement la situation professionnelle du salarié.
Le droit du travail applicable
En conséquence de la signature d’un contrat local, le travailleur devient soumis aux règles du droit du travail de son pays d’accueil. Le droit applicable est en principe celui du pays dans lequel il exerce effectivement son activité professionnelle, à moins que le contrat ne prévoie expressément l’application d’une loi différente.
Cette soumission au droit local entraîne des modifications substantielles des conditions de travail : durée légale du travail potentiellement supérieure aux 35 heures françaises, congés payés souvent moins généreux, modalités de licenciement différentes, absence des protections spécifiques du droit français comme les seuils d’effectifs ou les obligations de représentation du personnel.
L’absence de contrat-type international
En réalité, chaque contrat local constitue un cas d’espèce unique. Il n’existe pas de contrat-type standardisé pour la mobilité internationale. Les parties demeurent libres de contracter selon leur volonté commune tout en respectant les dispositions impératives du droit du travail applicable.
Cette liberté contractuelle offre des possibilités de négociation importantes, mais nécessite également une vigilance accrue pour s’assurer que le contrat proposé protège adéquatement les intérêts du salarié.
Le règlement Rome I et la détermination de la loi applicable
Depuis l’adoption du Règlement Rome I, pour tous les contrats de travail conclus après le 17 décembre 2009, ce règlement européen s’applique dès lors qu’un juge est saisi pour déterminer la loi applicable. Le règlement Rome I consacre la liberté de choix de la loi applicable au contrat de travail, tout en encadrant strictement cette liberté afin de garantir la protection du salarié. La jurisprudence, tant française qu’européenne, veille à ce que le salarié bénéficie toujours de la loi la plus favorable sur les points couverts par les dispositions d’ordre public social, notamment en matière de rémunération, de durée du travail, de licenciement et de sécurité sociale.
Ce règlement s’applique lorsque le litige est examiné par une juridiction d’un État membre de l’Union européenne, quelle que soit la localisation de l’activité à l’étranger, ce qui assure une certaine prévisibilité. Le caractère international d’un contrat de travail est établi selon plusieurs critères objectifs : le lieu d’exécution effective du travail, le lieu de formation du contrat, le lieu du siège social de l’employeur. . Ces éléments sont appréciés pour identifier le pays présentant les liens les plus étroits avec la relation de travail. L’importance de l’assistance juridique
Au vu des conséquences financières et familiales importantes découlant du contrat de travail soumis au droit local, l’assistance par un avocat expert en droit du travail international s’avère primordiale, particulièrement en cas de litige ou de difficulté d’interprétation du contrat.
Les conséquences sur la protection sociale
L’affiliation au régime local obligatoire
En vertu du contrat local, c’est le régime de sécurité sociale du pays d’accueil qui s’applique intégralement, et non plus le système français de protection sociale. Cette rupture avec le système français constitue l’une des conséquences majeures du contrat local.
Le salarié doit s’affilier obligatoirement au régime local de la destination. Dans cette configuration, il cotise comme un salarié local et dispose théoriquement de droits équivalents à ceux des ressortissants nationaux.
Toutefois, la qualité et l’étendue de la protection sociale varient considérablement d’un pays à l’autre. Certains États offrent une couverture généreuse comparable au système français, d’autres ne garantissent qu’une protection minimale, voire inexistante dans certains pays en développement.
Le « contrat local plus » : une évolution récente
Afin d’inciter les expatriés à accepter le statut de contrat local, certaines sociétés proposent désormais un « contrat local plus » qui offre une série d’avantages en nature au salarié ou une protection sociale accrue. Cette formule hybride vise à compenser partiellement les désavantages du contrat local pur.
Au salaire local de base peuvent ainsi s’ajouter divers avantages : allocation logement substantielle, prise en charge de la scolarité des enfants dans des établissements internationaux, assurance santé privée internationale, véhicule de fonction, prime d’installation, voyages de retour périodiques en France.
L’importance cruciale de la négociation
Les avantages obtenus dans le cadre d’un contrat local dépendent entièrement de la négociation entre le salarié et son entreprise. Cette phase de discussion constitue un moment stratégique déterminant pour l’avenir et les conditions de vie du salarié à l’étranger.
L’accompagnement par un avocat expérimenté en mobilité internationale s’avère particulièrement précieux durant cette phase. L’avocat analyse le contrat proposé, identifie les clauses défavorables, conseille sur les points négociables et assiste le salarié dans la discussion avec l’employeur pour obtenir les meilleures conditions contractuelles possibles.
Ne négligez jamais cette étape décisive : les termes négociés détermineront vos conditions de travail et de vie pour plusieurs années. Un conseil juridique approprié peut faire une différence substantielle sur le résultat final de la négociation.
La couverture sociale : un enjeu majeur
Il est vivement conseillé de négocier la couverture sociale de façon à obtenir une protection équivalente à celle dont vous bénéficiez en France. Cette négociation doit porter sur l’ensemble des risques sociaux : santé, maternité, accidents du travail, invalidité, retraite, chômage.
Attention également à bien vérifier les conditions de cotisation à la retraite avant toute signature : avec un contrat local, vous cotisez en principe uniquement au régime du pays d’accueil, ce qui peut entraîner une rupture dans vos droits français ou une baisse de couverture selon le niveau de protection locale. Il est donc essentiel de mesurer l’impact sur votre retraite et, le cas échéant, de négocier le maintien d’un régime équivalent ou une affiliation volontaire éventuellement prise en charge par l’employeur.
En effet, pour garantir certaines protections et assurer une véritable couverture sociale lors du retour en France, le salarié peut s’affilier volontairement à la Caisse des Français de l’Étranger (CFE). Cette adhésion facultative permet de maintenir un lien avec le système français et de faciliter la réintégration ultérieure.
La prise en charge des cotisations CFE par l’employeur constitue un point de négociation important qui doit être explicitement prévu dans le contrat ou dans ses annexes.
La question délicate du retour
L’absence de garantie de réemploi
En principe, un contrat local conduit à rompre le contrat français, souvent par la voie d’une démission proposée par l’employeur. Cette présentation n’a toutefois rien d’automatique ni d’obligatoire : la rupture peut être organisée autrement (rupture conventionnelle, accord tripartite, etc.) et doit être sécurisée. En conséquence, à défaut d’accord spécifique, le salarié ne dispose d’aucune garantie automatique de réemploi à son retour, contrairement au statut d’expatrié traditionnel qui prévoit généralement une clause de retour. Cette absence de sécurité juridique concernant le retour constitue l’un des principaux risques du contrat local. À l’issue de la mission internationale, le salarié peut se retrouver sans emploi ni en France ni dans le pays d’accueil, créant une situation de grande précarité.
Les aménagements contractuels possibles
Toutefois, des aménagements contractuels sont envisageables, particulièrement lorsque le salarié signe un contrat local avec l’une des filiales étrangères de la société française ayant proposé la mobilité.
Dans l’hypothèse où le salarié est licencié par la filiale étrangère, il peut être prévu contractuellement que le salarié sera rapatrié et réintégré au sein de la société mère en France, conformément à l’article L. 1231-5 du Code du travail. Cette clause de garantie de réemploi constitue une protection essentielle qu’il convient de négocier systématiquement.
Cette obligation légale de rapatriement et de réintégration ne joue toutefois que si le salarié a été préalablement engagé par la société mère française puis mis à disposition d’une filiale étrangère auprès de laquelle il a signé un contrat local. Dans ce cas, la société mère doit assurer son rapatriement et lui procurer un nouvel emploi compatible avec ses fonctions antérieures. À défaut de réunir ces conditions, la protection du retour repose uniquement sur ce qui aura été négocié et écrit (clause de retour / garantie de réemploi)
Les modalités de cette réintégration doivent être précisément définies : niveau de poste équivalent, ancienneté reconnue, localisation géographique, délai de prévenance. Plus ces éléments seront détaillés contractuellement, meilleure sera la protection du salarié.
La jurisprudence sur le lien de subordination
Quand un salarié signe un contrat local, il dépend en principe uniquement de la filiale étrangère. Mais, dans certains cas, il peut essayer de faire reconnaître un co-emploi avec la société mère française. Si ce co-emploi est admis, la société mère redevient juridiquement un employeur et peut être tenue responsable.
Attention toutefois : les juges sont très stricts. Le co-emploi n’est retenu que si la société mère s’immisce de façon anormale et permanente dans la gestion de la filiale, au point de lui faire perdre sa véritable autonomie. Le simple fait d’appartenir au même groupe, d’être actionnaire ou de coordonner la stratégie ne suffit pas.
Pour trancher, les juges regardent notamment si la société mère exerce réellement sur le salarié un pouvoir hiérarchique : directives directes, contrôle du travail, ou capacité de sanction, indépendamment de ce que dit le contrat.
A ce titre, la jurisprudence française apporte une protection supplémentaire aux salariés en contrat local. Selon un arrêt de principe de la Cour de cassation du 23 octobre 2013, « l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité de l’intéressé ».
La Cour de cassation, Chambre sociale, 23 octobre 2013, 12-15.482, Inédit rappelle expressément ce principe : l’existence d’une relation de travail salarié ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais exclusivement des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; qu’en l’espèce, il ressortait des attestations produites par M. X… aux débats, émanées du chef du service photo ou de collaborateurs du Courrier picard, que pendant toute sa période de collaboration qui, de 1988 à 2009, s’était exécutée par le truchement, soit de contrats à durée déterminée de remplacement, soit de prestations de « correspondant local de presse », soit enfin d’un contrat à durée indéterminée de pigiste, il avait quel que soit le statut sous lequel il était intervenu, exercé en fait la même activité de reporter photographe selon les instructions et les directives de la rédaction du journal, avec le matériel et dans le cadre d’un service organisé par celle-ci, ce dont résultait l’existence d’un lien de subordination pendant toute la durée de la relation de travail ; en déclarant ces attestations non probantes au motif inopérant « qu’elles ne faisaient pas la distinction entre les périodes pendant lesquelles l’intéressé, dans le cadre d’un contrat à durée déterminée de remplaçant, était effectivement dans un lien de subordination juridique vis à vis du Courrier picard et¿les autres périodes pendant lesquelles il avait collaboré sous différentes formes avec le journal », sans rechercher si les conditions d’exercice de son activité ainsi relatées ne démontraient pas l’existence d’un lien de subordination de M. X… au Courrier picard pendant l’ensemble de la relation de travail, indépendamment des diverses qualifications juridiques que lui avaient données les parties, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 7112-1 du code du travail ;
Cette jurisprudence constante signifie qu’un lien de subordination entre la société française mère et le salarié pourra toujours être reconnu par les juridictions françaises, si, dans les faits, la société mère exerce un pouvoir de direction, de contrôle ou de sanction sur le salarié, car la qualification donnée par les parties importe peu face à la réalité du pouvoir de direction et de contrôle exercé.
La jurisprudence a ensuite toujours rappelé ce principe en précisant que les juges doivent rechercher les éléments caractérisant l’existence d’un lien de subordination au-delà de l’apparence formelle créée par les contrats. Cette protection jurisprudentielle peut permettre de requalifier la relation de travail et d’obtenir une indemnisation en cas de rupture abusive.
Négocier un accompagnement conséquent
En définitive, les travailleurs en contrat local ne disposent d’aucune garantie légale automatique de réintégration. Néanmoins, certains salariés ont réussi à négocier un accompagnement conséquent pour leur retour : garantie d’entretiens de repositionnement, accès prioritaire aux postes disponibles dans le groupe, indemnité de réinstallation, outplacement financé par l’employeur.
Une grande partie des conditions de l’expatriation résultant de négociations entre le salarié et son employeur, l’assistance d’un avocat expert en droit du travail international est vivement recommandée pour obtenir les meilleures garanties possibles.
Les points clés à négocier avant signature
Au-delà des aspects juridiques généraux, plusieurs points méritent une attention particulière lors de la négociation d’un contrat local : la rémunération nette après impôts et comparée au coût de la vie locale, la couverture santé complète pour toute la famille, la prise en charge de la scolarité des enfants, l’allocation logement ou le logement de fonction, les voyages de retour périodiques en France, la clause de garantie de réemploi ou d’accompagnement au retour, la prise en charge des cotisations CFE, le véhicule de fonction et les frais de déménagement, la durée de la mission et les conditions de renouvellement.
Le contrat local constitue une option de plus en plus fréquente dans le contexte de la mobilité internationale, répondant aux contraintes économiques des entreprises.
Cependant, cette formule présente des risques significatifs qu’il convient d’appréhender lucidement : rupture du contrat français sans garantie de retour, soumission au droit du travail local potentiellement moins protecteur, affiliation au régime de sécurité sociale local parfois insuffisant, interruption des cotisations retraite françaises.
Le choix du statut n’est donc pas sans conséquence, tant pour l’employeur que pour le salarié. La phase de négociation contractuelle revêt une importance stratégique déterminante pour sécuriser la situation du salarié et prévenir les difficultés ultérieures.
L’assistance d’un avocat en droit du travail international permet d’analyser précisément le contrat proposé, d’identifier les clauses problématiques, de négocier les meilleures conditions possibles et de sécuriser juridiquement l’ensemble de la mobilité. Cet accompagnement professionnel constitue un investissement judicieux au regard des enjeux personnels, familiaux et financiers d’une expatriation en contrat local.
Nos avocats en droit international du travail et droit de l’expatriation se tiennent à votre disposition pour répondre à toutes vos questions et vous conseiller. Nous proposons des entretiens en présentiel ou en visioconférence. Vous pouvez prendre rendez-vous directement en ligne sur https://www.agn-avocats.fr/.
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