Les couples franco-étrangers constituent une réalité sociale croissante dans notre société mondialisée. Lorsque ces unions se brisent, la procédure de divorce soulève des questions juridiques spécifiques et souvent complexes. Quelle loi s’applique à la séparation ? Quelle juridiction est compétente pour prononcer le divorce ? Le conjoint étranger conserve-t-il son titre de séjour après la rupture ? Le divorce prononcé en France sera-t-il reconnu dans le pays d’origine du conjoint étranger ?
Ces interrogations légitimes nécessitent des réponses précises car les enjeux sont considérables, tant sur le plan personnel que juridique et administratif. Le divorce franco-étranger s’inscrit dans un cadre légal particulier mobilisant à la fois le droit français, les règlements européens et les conventions internationales.
La loi applicable au divorce franco-étranger
Le divorce à l’amiable
Pour les divorces par consentement mutuel, la loi française s’applique principalement dans deux situations. D’abord, lorsque le couple est domicilié sur le territoire français, la compétence de la loi française découle logiquement de ce critère de rattachement territorial. Ensuite, si les juridictions françaises sont compétentes mais qu’aucune loi étrangère ne peut s’appliquer, la loi française devient applicable par défaut.
Cette seconde hypothèse concerne notamment le cas où un ressortissant français épouse une personne apatride, c’est-à-dire dépourvue de toute nationalité. En l’absence de loi nationale étrangère, la loi française régit naturellement la procédure de divorce, conformément aux dispositions de l’article 309 du Code civil.
Le divorce contentieux et le règlement Rome III
Pour les divorces contentieux, la détermination de la loi applicable obéit à des règles plus sophistiquées établies par le règlement européen Rome III (règlement UE n° 1259/2010). Le règlement est applicable dès qu’un tribunal d’un Etat membre participant est saisi de la demande de divorce. Ce texte concerne tous les couples internationaux, quelle que soit leur residence, ressortissants des états membres, des autres Etats de l’UE ou d’un Etat tiers. Ce texte s’applique en l’absence de convention bilatérale spécifique entre la France et le pays d’origine du conjoint étranger.
Le règlement Rome III consacre d’abord le principe de l’autonomie de la volonté : les époux peuvent librement choisir la loi applicable à leur divorce parmi plusieurs options expressément prévues. Cette faculté de choix constitue une innovation majeure permettant aux couples binationaux d’anticiper le cadre juridique de leur éventuelle séparation.
Les époux peuvent opter pour la loi de l’État de leur résidence habituelle au moment du choix, la loi de l’État de leur dernière résidence habituelle si l’un d’eux y réside encore, la loi de l’État de la nationalité de l’un des époux, ou la loi du for, c’est-à-dire la loi de l’État dont le tribunal est saisi. Ce choix doit être effectué au plus tard au moment de la saisine du tribunal pour être valable et produire tous ses effets.
Les règles supplétives en l’absence de choix
Si les époux n’ont pas exercé leur faculté de choisir la loi applicable, l’article 8 du règlement Rome III établit une cascade de critères objectifs déterminant la loi compétente. En premier lieu s’applique la loi de l’État de résidence habituelle commune des époux au moment de la saisine du tribunal.
À défaut de résidence commune, on se réfère à la loi de l’État de leur dernière résidence habituelle, pour autant que cette résidence n’ait pas pris fin plus d’un an avant la saisine et que l’un des époux y réside encore. Si ce critère ne peut s’appliquer, on retient la loi de l’État de la nationalité commune des deux époux. En dernier recours, la loi du for s’applique, c’est-à-dire celle du pays dont le tribunal a été saisi.
Par exemple, un Français et une Allemande résidant en Belgique et souhaitant divorcer devant le tribunal belge peuvent choisir entre la loi belge, française ou allemande. En l’absence de choix explicite, la loi belge s’appliquera comme loi de leur résidence habituelle commune.
La juridiction compétente
Le règlement Bruxelles II ter dans l’Union européenne
Pour déterminer quelle juridiction peut être saisie d’un divorce franco-étranger, le règlement Bruxelles II ter (règlement UE 2019/1111) fixe les règles de compétence internationale au sein de l’Union européenne. Ce texte établit plusieurs critères alternatifs conférant compétence à la juridiction de l’État où se situe l’un des lieux suivants.
Les critères principaux incluent la résidence habituelle commune des conjoints, leur dernière résidence habituelle si l’un d’eux y réside encore, la résidence habituelle du défendeur, ou la résidence habituelle de l’un ou l’autre conjoint en cas de demande conjointe de divorce.
Le règlement prévoit également la compétence du tribunal de l’État où réside le demandeur s’il y a établi sa résidence depuis au moins une année avant l’introduction de la demande, ou depuis au moins six mois s’il est ressortissant de cet État. Cette multiplicité de critères alternatifs offre une flexibilité notable dans le choix de la juridiction.
Les règles françaises de compétence
Si aucune juridiction d’un pays membre de l’Union européenne n’est compétente selon les critères du règlement Bruxelles II ter, l’article 1070 du Code de procédure civile français détermine la compétence. Les critères retenus sont le lieu du domicile conjugal, à défaut la résidence du conjoint ayant la garde des enfants mineurs, à défaut la résidence du défendeur, ou encore la résidence de l’un ou l’autre époux en cas de demande conjointe.
Ces règles garantissent qu’une juridiction française pourra toujours être saisie lorsqu’un lien suffisant existe avec la France, évitant ainsi un déni de justice pour les ressortissants français.
L’impact du divorce sur le titre de séjour
Le principe de perte du titre
Le droit au séjour de l’époux étranger d’un ressortissant français est conditionné par l’existence d’une communauté de vie effective. La rupture de cette communauté par le divorce entraîne en principe la perte automatique du titre de séjour obtenu au titre du mariage avec un Français.
Cette conséquence peut s’avérer dramatique pour le conjoint étranger qui se trouve privé de son droit de séjourner légalement sur le territoire français, créant une situation de grande précarité administrative.
Les exceptions au principe de perte
Le législateur a toutefois prévu plusieurs exceptions permettant le maintien du titre de séjour malgré le divorce. Si la communauté de vie a duré au moins quatre années, l’intéressé peut demander un titre de séjour indépendant, détaché du lien matrimonial.
La présence d’enfants communs constitue également un motif légitime de maintien du titre de séjour. Le parent étranger peut solliciter le renouvellement de son autorisation de séjour pour rester en France et assurer l’éducation et le bien-être de ses enfants, conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant.
L’existence d’une maladie grave nécessitant des soins en France peut également justifier le maintien du titre de séjour pour raisons médicales. Enfin, si le conjoint étranger a été victime de violences conjugales, cette circonstance justifie le maintien du droit au séjour indépendamment de la durée de la communauté de vie ou de la présence d’enfants.
La reconnaissance du divorce à l’étranger
Reconnaissance automatique dans l’Union européenne
Selon l’article 30 du règlement Bruxelles II ter, un divorce prononcé dans un État membre de l’Union européenne bénéficie d’une reconnaissance automatique dans tous les autres États membres, à l’exception du Danemark qui n’applique pas ce règlement.
Cette reconnaissance automatique simplifie considérablement les démarches des couples franco-étrangers dont l’un des conjoints est ressortissant d’un pays de l’UE. Aucune procédure spécifique n’est nécessaire pour obtenir la reconnaissance du divorce dans le pays d’origine du conjoint européen.
Reconnaissance hors Union européenne
Pour les divorces concernant des ressortissants de pays tiers à l’Union européenne, la reconnaissance du divorce prononcé en France dépend du droit du pays concerné. Certains pays reconnaissent automatiquement les décisions françaises en vertu de conventions bilatérales, tandis que d’autres exigent une procédure d’exequatur spécifique.
Il convient de vérifier systématiquement les conditions de reconnaissance dans le pays d’origine du conjoint étranger pour s’assurer de l’opposabilité universelle du divorce prononcé en France.
Les enjeux patrimoniaux et la protection des enfants
Au-delà des questions de loi applicable et de compétence juridictionnelle, le divorce franco-étranger soulève fréquemment des problématiques patrimoniales complexes : liquidation du régime matrimonial, prestation compensatoire, pension alimentaire. La présence d’enfants mineurs ajoute une dimension supplémentaire concernant l’autorité parentale, la résidence des enfants et la contribution à leur entretien et éducation.
Ces aspects nécessitent une expertise approfondie en droit international privé et en droit patrimonial de la famille pour garantir la protection des intérêts de chaque époux et assurer le respect de l’intérêt supérieur des enfants.
Le divorce entre un Français et un étranger s’inscrit dans un cadre juridique complexe mobilisant le règlement Rome III pour la loi applicable et le règlement Bruxelles II ter pour la compétence juridictionnelle. Les époux disposent d’une faculté de choix de la loi applicable parmi plusieurs options, offrant une certaine prévisibilité juridique.
Les conséquences du divorce sur le titre de séjour du conjoint étranger constituent un enjeu majeur, bien que plusieurs exceptions permettent le maintien du droit au séjour dans des situations spécifiques. La reconnaissance du divorce à l’étranger est facilitée au sein de l’Union européenne par le principe de reconnaissance automatique, mais nécessite une vérification attentive pour les pays tiers.
Face à la complexité technique de ces questions et aux enjeux personnels, administratifs et patrimoniaux considérables, le recours à un conseil juridique spécialisé en droit international de la famille s’avère indispensable pour sécuriser la procédure et anticiper toutes les conséquences du divorce franco-étranger.
Nos avocats en droit international de la famille et droit des expatriés se tiennent à votre disposition pour répondre à toutes vos questions et vous conseiller. Nous proposons des entretiens en présentiel ou en visioconférence. Vous pouvez prendre rendez-vous directement en ligne sur https://www.agn-avocats.fr/.
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