Les constructions peuvent causer des nuisances problématiques entre les voisins. Ces dernières peuvent être qualifiées comme « troubles anormaux du voisinage » si elles excèdent les inconvénients inévitables de la vie en collectivité.
Qu’est-ce qu’un « trouble anormal du voisinage » ?
La théorie des troubles anormaux de voisinage est une création prétorienne qui a été appliquée pour la première fois en 1844 (Civ. 27 nov. 1844, DP 1845.1. p.13).
Elle repose sur principe selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ».De plus, elle affirme que le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue est limité par l’obligation qu’il a de ne pas causer à autrui un dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage (Civ. 3e, 4 févr. 1971, n° 69-12.528 et 69-14.964).
Elle se fonde sur les articles 544, 1240 et 1241 du Code Civil, lesquels disposent :
Article 544 du Code Civil :
«La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements».
Article 1240 du Code Civil :
«Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un, dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer».
Article 1241 du Code Civil :
«Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence».
Le régime de responsabilité de cette figure est objectif, c’est-à-dire qu’il faut prouver l’existence d’un trouble qui dépasse la mesure de l’ordinaire sans qu’il ne soit nécessaire de prouver l’existence d’une faute (Civ. 3e, 4 févr. 1971, n° 69-12.528).
Comment apprécier « l’anormalité » du trouble ?
Pour engager la responsabilité du contructeur, Il est nécessaire que le trouble excéde les inconvénients inhérents au voisinage (Civ. 3e, 24 oct. 1990, n° 88-19.383). Ce trouble doit être de nature continue et permanente.
En ce qui concerne l’appréciation du « trouble anormal », les juges du fond vont constater son existence cas par cas selon les circonstances de temps et de lieu, la fréquence, la répétition et l’intensité du trouble.
De multiples nuisances peuvent, alors être considérés comme des troubles de voisinage causés par la construction, par exemple :
- La hauteur de la construction.
- La perte d’ensoleillement.
- La dépréciation du bien
- La perte d’intimité.
Comment prouver le trouble anormal de voisinage ?
Quelle indemnité pour les troubles anormaux du voisinage ?
La jurisprudence a considéré les cas suivants comme des troubles anormaux du voisinage en matière de construction et leur a accordé les indemnités suivantes :
- Faits : privation d’ensoleillement (Cass. 3ème civ. 22-10-2020 n°18-24.439).
Somme accordée : 13 500 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la privation d’ensoleillement subie depuis l’achèvement des travaux.
- Faits : en zone urbaine, perte d’ensoleillement de 7h à 13h (CA Reims, 17/06/14 n° 12/02551).
Somme accordée : 12 000€ en réparation du TAV.
- Faits : en zone urbaine dense, perte d’ensoleillement de 6 à 46% (CA Rennes, 22/09/15, n°13/08681).
Somme accordée : 2.000 € pour le préjudice subi durant les travaux ; 30.000 € pour la perte de valeur de l’immeuble ; 3.000 € pour le préjudice permanent de jouissance.
- Faits : en zone pavillonnaire, perte d’ensoleillement de 60 à 70% (CA Nancy, 29/06/15, n°14/01346).
Somme accordée : 4.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation des troubles subis et à subir jusqu’à la démolition devienne effective avec amende journalière de 50 € par jour de retard.
- Faits : construction obstruant la vue sur des montagnes et limitant l’ensoleillement d’une habitation exposée plein sud. (CA de Pau. 1, 31 mars 2014, N° 14/1221).
Somme accordée : 20 000 €
- Faits : en zone pavillonnaire, perte d’ensoleillement de la piscine « dès le milieu de l’après-midi », perte de vue et d’intimité (CA Limoges, 08/10/13, n°12/00625).
Somme accordée : 50 000 €
- Faits : la construction d’un immeuble de 4 niveaux dont les ouvertures et balcons ont une vue plongeante sur 2 villas a causé un trouble de jouissance et de la perte de valeur vénale. (CA AIX-EN-PROVENCE, 08/06/17, N° 15/15960).
Somme accordée : 20 000 €
- Faits : immeuble de 15 m qui avait été édifié à côté d’une maison privait le propriétaire de cette dernière de la quasi-totalité de l’ensoleillement dont il disposait les mois les moins lumineux de l’année. Outre le préjudice de jouissance, ce dernier a pu obtenir indemnisation consécutive à la perte de valeur vénale de son bien (CA Rennes, 28-11-2017, n° 16/03209).
Somme accordée : 40.000 € au titre de perte de valeur de son immeuble et 15.000 € en réparation de son préjudice de jouissance.
- Faits : la construction d’un immeuble surplombant la construction des demandeurs de près de 5 mètres, les privant d’ensoleillement dans leur cour et à l’intérieur de leur maison six heures par jour, entraine une perte de valeur de leur bien et crée en outre un préjudice d’agrément lié à la présence de la masse du mur, qui masque le ciel depuis le fond de leur cour(CA Rennes, 1ère Ch., 23/03/2021, n° 19/01749)
Somme accordée : 40 000 €.
- Faits : Perte d’ensoleillement consécutive à la construction d’un immeuble collectif sur le fonds voisin de leur propriété comprenant une maison, une cour et un jardin. (Cass. 3e civ., 19 janv. 2017, n° 15-28.591).
Somme accordée : 30 000 € en raison de la perte de valeur et 3 000 € pour le préjudice de jouissance.
- Faits : dépréciation d’un bien du fait de la construction d’un immeuble voisin (CA Toulouse, 16 décembre 2019, n° 17/00992)
Somme accordée : 10.000 €
En revanche, la jurisprudence n’a pas retenu la notion de TAV, dans les cas suivants :
- La perte d’ensoleillement et d’intimité causée par la construction dans une zone urbaine ne constitue pas un TAV, car le trouble n’excédait pas les risques normaux encourus en milieu urbain. (Cass, 29 sept.2015, n° 14-16729).
- Dans le même sens, l’immeuble habité par la demanderesse avait été construit dans une zone très urbanisée donc elle devait s’attendre à être privée d’un avantage d’ensoleillement (Cass. 3e civ., 21 oct. 2009, n° 08-16.692).
- De plus, la perte d’ensoleillement d’une propriété causée par la construction d’un garage par son voisin, ne peut pas être considérée comme constituant un TAV puisqu’il n’y a pas d’anormalité. (Civ. 3e, 24 juin 2008, n° 07-14.975).
- Dans un tissu urbain dense, en zone constructible, soumise à une très forte pression immobilière, la suppression d’une vue et d’un ensoleillement d’appartements situés eux-mêmes dans un immeuble, du fait de l’édification d’un autre immeuble de même hauteur, ne revêt pas le caractère anormal permettant l’indemnisation des requérants. (CA Saint-Denis de la Réunion, 6 février 2009, 07/00902).
- Finalement, ne constitue pas un trouble anormal de voisinage un garage en limite de propriété qui limite la vue et l’ensoleillement, les deux propriétés se trouvant en tissus urbain où la vue et l’ensoleillement sont nécessairement limités par les constructions voisines. (CA Lyon, ch. civ. 1, 18 mai 2006).
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