Selon l’adage juridique bien connu, la promesse synallagmatique vaut vente.
L’article 1589 du Code civil énonce en effet que : « La promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix ».
Toutefois un arrêt de la Cour de cassation du 7 septembre 2022 a troublé les certitudes, en entérinant le principe d’une promesse qui ne vaudrait pas vente en contradiction avec le principe précité.
Si bien que deux types de promesses peuvent coexister dans le champ juridique : l’une valant vente et l’autre non, ce qui conduit à s’interroger sur leur articulation et sur les conséquences que cela suppose.
Le principe : la promesse qui vaut vente
Dans la droite ligne du principe précité, la promesse de vente vaut vente. Et dans le cadre de l’acquisition d’un bien immobilier, cette promesse est ensuite réitérée par acte authentique, le transfert de propriété étant différé au jour de la réitération.
L’acte authentique qui réitère cet accord n’est donc que la concrétisation ultérieure de l’accord parfait qui existait dès la promesse.
Dans ce cas, la promesse de vente contient d’ores et déjà l’accord des volontés et la signature de l’acte authentique ne constitue qu’une formalité, rendant la vente opposable aux tiers.
Un débat juridique intervient alors lorsque la promesse n’est pas réitérée dans le délai convenu, pour des raisons imputables principalement à l’une ou l’autre des parties.
Sur la base de l’article précité, le simple fait que les conditions suspensives de la promesse synallagmatique auxquelles elle serait soumise aient été réalisées, conduit, sur un plan strict juridique, à ce que chacune des parties puisse, à compter de l’extinction de ce délai, mettre en demeure son cocontractant de réitérer la promesse par acte authentique.
A défaut, la partie demanderesse peut demander l’exécution forcée de la vente ou sa résolution, dans la mesure où la vente est déjà formée.
Toutefois, un courant doctrinal et jurisprudentiel s’est échappé du principe et conditions précités pour considérer que les parties peuvent légitimement décider entre elles que la vente convenue ne sera juridiquement conclue qu’après réitération en la forme authentique, cette condition devenant alors un élément constitutif de leur consentement et non une simple modalité d’exécution de leur accord.
On comprend donc que, la promesse qui vaut vente reste le principe, puisque les parties peuvent y déroger en érigeant la réitération comme une condition de leur engagement et donc de l’existence du contrat.
Ce n’est dès lors que par exception que la promesse qui vaut vente peut devenir une promesse qui ne vaut pas vente.
L’exception : la promesse qui ne vaut pas vente
Cette position a été réaffirmée dans l’arrêt précité de la Cour de cassation (7 septembre 2022) qui illustre parfaitement la coexistence des deux types de promesses de vente auxquelles nous sommes désormais confrontés.
Afin de déterminer le rôle que joue la promesse qui ne vaut pas vente par rapport à la promesse qui vaut vente, il convient d’apprécier la portée de la décision précitée de la Cour de cassation d’ériger la réitération en condition de validité de la vente.
Il semble qu’il ne suffise pas de prévoir que l’acte doit être réitéré pour considérer que la réitération est une condition de l’engagement. Il convient de préciser que cette dernière est érigée comme une condition de l’existence du contrat.
En l’espèce, une société avait fait l’objet d’une assignation en réalisation forcée de vente de la part de son cocontractant, consécutivement à une promesse synallagmatique de vente qu’elle avait consentie sur une résidence.
La Cour de cassation a souligné que, les juges du fond ayant interprété la promesse comme érigeant en condition essentielle de leur consentement la réitération de la promesse par acte authentique dans un délai de deux ans, ils en ont exactement déduit que la promesse de vente ne valait pas vente et que celle-ci était devenue caduque dans la mesure où la réalisation de la vente n’avait pas été sollicitée dans le délai convenu.
L’analyse de la décision précitée conduit à comprendre que la promesse synallagmatique de vente qui ne vaut pas vente se rencontre lorsque les parties érigent en condition de validité de la vente un élément qui constitue en principe une simple modalité de celle-ci, telle que la réitération par acte authentique avant l’expiration d’un délai fixé.
Nous sommes donc dans une hypothèse où la condition de réitération de la vente en la forme authentique est essentialisée entre les parties.
Cette essentialisation se prête d’ailleurs bien aux ventes immobilières requérant la voie authentique, avec la solennisation du passage devant notaire pour la réitération de la promesse.
On comprend donc bien que c’est par leur seule volonté des parties qu’il puisse être fait échec au principe incontournable de promesse qui vaut vente, en essentialisant la réitération qui devient donc une condition de validité, mais par défaut.
D’où la démonstration selon laquelle la promesse qui ne vaut pas vente reste l’exception, quand la promesse qui vaut vente demeure le principe.
Les conséquences juridiques d’une telle promesse qui ne vaut pas vente sont les suivantes :
- Si la réitération n’intervient pas dans le délai convenu, la promesse est caduque et cette absence de réitération ne peut donner lieu à exécution forcée puisqu’on considère que la vente n’est pas formée.
- Seuls des dommages-intérêts pourraient être requis, si jamais un préjudice en résultait dans les circonstances pour lesquelles l’une ou l’autre des parties a décidé de ne pas réitérer.
Il est à noter que cette position a par ailleurs été élargie par la Cour de cassation dans un arrêt du 11 mai 2023, à une hypothèse où, bien que les parties avaient matérialisé leur accord sur la chose et le prix d’un bien immobilier dans le cadre d’une offre d’achat de l’acquéreur acceptée par le vendeur, le simple fait que ladite offre renvoyait à la signature ultérieure d’une promesse de vente sous seing privé à établir postérieurement, a permis à la Cour de cassation d’en déduire que l’existence de la vente était subordonnée à la rédaction d’un acte sous seing privé, si bien qu’elle ne constituait pas un contrat de vente parfait mais relevait de pourparlers contractuels.
On voit donc bien que l’essentialisation de la condition entre les parties de conclure un acte sous-seing privé, alors même qu’il y avait accord sur la chose et le prix valant vente par application stricte de l’article 1583 du Code civil, a conduit à dénaturer l’acte qui s’est retrouvé qualifié simplement de pourparlers contractuels par la Cour de cassation.
La contextualisation de la formalisation du consentement des parties dans le cadre d’une promesse de vente, ou bien dès la formalisation de l’offre quand bien même acceptée par les deux parties, permet donc de faire échec aux dispositions précitées du Code civil.
L’interprétation de la commune intention des parties s’avère dès lors essentielle pour apprécier les effets juridiques de l’acte concerné, là où, auparavant, le simple échange des consentements sur la chose et le prix conduisait à une vente intangible.
*****
Partant du constat qui précède, il convient dès lors d’être particulièrement vigilant dans la rédaction des promesses de vente afin de retranscrire l’essence même de la volonté des parties.
Si ces dernières n’érigent pas la condition de la réitération comme une condition de formation de la vente, c’est qu’elles n’entendent pas déroger aux dispositions de l’article 1589 du Code civil.
En revanche, dans le cas inverse, en érigeant en condition essentielle de leur consentement la réitération de la promesse par voie authentique, les parties entendent signifier clairement leur volonté de déroger à la règle précitée ce qui aura pour conséquence que la promesse ne vaudra pas vente.
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