
Peut-on tomber malade à force de travailler ? Lorsque l’anxiété, l’épuisement ou la tristesse deviennent chroniques à cause de conditions de travail délétères, la réponse est clairement oui.
En droit, la dépression peut être reconnue comme une maladie d’origine professionnelle. Le Code de la sécurité sociale le prévoit expressément. Cette reconnaissance n’est cependant ni automatique, ni aisée : elle suppose d’en démontrer l’origine professionnelle avec rigueur, dans un cadre juridique strict, et selon une procédure bien définie.
Pour les salariés, les enjeux sont importants : il ne s’agit pas seulement d’obtenir un nom sur une pathologie, mais de faire valoir des droits renforcés
La dépression peut-elle être reconnue comme maladie professionnelle par la CPAM ?
En droit, la dépression n’est pas exclue du champ des maladies professionnelles. Le Code de la sécurité sociale le prévoit expressément à l’article L. 461-1 :
« Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d’origine professionnelle. »
Cependant, contrairement à d’autres affections (troubles musculo-squelettiques, affections respiratoires, etc.), la dépression ne figure pas dans les tableaux des maladies professionnelles.
Cela signifie que sa reconnaissance n’est pas automatique et ne peut intervenir que dans le cadre d’une procédure dite hors tableau, avec saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).
Dans ce cadre, vous devez réussir à établir, pièces à l’appui, que :
- La pathologie psychique dont vous souffrez est médicalement constatée (par un certificat médical circonstancié, établi par un psychiatre ou un médecin du travail) ;
- Et que cette pathologie est essentiellement et directement causée par votre activité professionnelle habituelle.
Ce lien de causalité doit être démontré avec précision, au moyen de faits, de témoignages, de documents médicaux et d’éléments relatifs aux conditions de travail. L’instruction du dossier est ensuite confiée à la caisse primaire, qui sollicitera l’avis du CRRMP, avis qui s’impose à elle.
Comment faire reconnaître une dépression comme maladie professionnelle auprès de la CPAM ?
Avant toute chose, il est indispensable de déclarer la maladie professionnelle auprès de la CPAM. Cette démarche repose sur un formulaire spécifique et un certificat médical initial établi par votre médecin. Sans cette déclaration, aucun droit ne pourra être ouvert.
Pour en savoir plus sur les étapes et les documents à fournir, consultez notre article dédié à la déclaration de maladie professionnelle.
Une fois la déclaration de maladie professionnelle transmise à la CPAM, une phase d’instruction débute. Il s’agit d’une enquête administrative menée par la caisse pour vérifier si votre dépression peut être reconnue comme étant liée au travail. Cette phase est encadrée par des délais stricts et des échanges formels entre la CPAM, le salarié et l’employeur.
Quelle procédure pour faire reconnaître une dépression comme maladie professionnelle ?
En matière de dépression, la reconnaissance comme maladie professionnelle suit une procédure spécifique prévue pour les maladies dites « hors tableau ». Elle implique une évaluation approfondie du contexte de travail et de ses effets sur la santé psychique du salarié.
Une enquête ciblée sur le contexte de travail et l’état de santé
À réception de la déclaration, la CPAM ouvre une instruction. Bien qu’aucune condition administrative ne soit requise (contrairement aux maladies figurant dans les tableaux), une enquête est systématiquement diligentée. Celle-ci ne porte pas uniquement sur les éléments médicaux : elle s’intéresse également aux conditions de travail ayant pu entraîner ou aggraver votre dégradation psychologique.
Concrètement, la Caisse vous adresse des questionnaires et également à l’employeur, sans que cela ne soit obligatoire. Elle peut également solliciter des échanges avec le Médecin du travail ou d’autres acteurs internes à l’entreprise.
Vous pouvez adresser des pièces en plus du certificat médical initial, notamment :
- Des attestations de collègues ou proches sur la situation vécue au travail ;
- Des éléments professionnels (plannings, mails, sanctions, évaluations, signalements internes) démontrant une pression excessive ou des conditions de travail pathogènes ;
- Des pièces médicales récentes (bilan psychiatrique, compte rendu d’hospitalisation, certificats de suivi…).
Les parties peuvent consulter le dossier d’instruction communiqué par la Caisse, et disposent d’un délai pour formuler des observations écrites, notamment en réponse aux pièces versées par l’employeur.
Évaluation par le médecin-conseil : le seuil des 25 %
Une fois le dossier instruit, il est examiné par le médecin-conseil de l’Assurance Maladie, chargé d’apprécier la gravité potentielle des séquelles psychiques que conservera la personne.
Deux hypothèses se présentent :
- Si le taux d’incapacité prévisible retenu est inférieur à 25 %, la demande est rejetée. La dépression n’est alors pas reconnue comme maladie professionnelle.
- Si le taux d’incapacité est égal ou supérieur à 25 %, le dossier est transmis au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) pour évaluer le lien entre la pathologie et le travail.
Le CRRMP : un avis médical spécialisé et décisif
Une fois l’enquête réalisée, et le taux d’IPP prévisible attribué, c’est au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) qu’il reviendra de se prononcer sur la reconnaissance de la maladie professionnelle.
Le CRRMP est une instance composée de trois médecins (un médecin conseil, un médecin inspecteur régional du travail, et un médecin spécialiste en matière de pathologie professionnelle). Il se prononce sur l’existence d’un lien direct et essentiel entre la dépression et l’activité professionnelle.
La CPAM est tenue par cet avis, et c’est donc une fois cet avis rendu qu’elle notifie sa décision de prise en charge à l’assuré.
Durée totale : le délai moyen d’instruction d’un dossier de demande de reconnaissance de maladie professionnelle en raison d’une dépression causée par le travail peut atteindre 8 à 10 mois à compter de la déclaration.
Peut-on contester la décision de la Caisse ?
Oui, contester un refus de prise en charge de maladie professionnelle est possible. La première étape consiste à saisir la Commission médicale de recours amiable (CMRA) dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision. Cette phase amiable est obligatoire avant tout contentieux.
En cas d’échec, vous pouvez porter l’affaire devant le Pôle social du Tribunal judiciaire, juridiction compétente pour les litiges de sécurité sociale. L’assistance d’un avocat est vivement recommandée pour maximiser les chances de succès, en particulier dans des dossiers techniques comme ceux portant sur des pathologies psychiques.
Quels sont les avantages d’une reconnaissance en maladie professionnelle d’une dépression ?
Prise en charge des frais de santé et indemnités journalières de maladie professionnelle
Les soins en lien avec la dépression reconnue comme maladie professionnelle sont pris en charge à 100 % par la Caisse, sans avance de frais dans la majorité des cas.
En cas d’arrêt de travail, les indemnités journalières versées sont plus avantageuses que dans le cadre d’un arrêt maladie non professionnel, permettant une meilleure compensation de la perte de revenus.
Rente en cas de séquelles
Si la dépression laisse des séquelles après consolidation, un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) est évalué. Ce taux ouvre droit à une rente viagère, dont le montant dépend du taux retenu.
Pour plus d’informations, consultez notre article dédié au calcul de la rente d’incapacité.
Impact sur la retraite
Les périodes d’arrêt liées à une maladie professionnelle valident des trimestres de retraite, même en l’absence d’activité.
Retrouvez notre article sur l’impact de la maladie professionnelle sur la retraite.
Indemnisation de la rupture en cas d’inaptitude d’origine professionnelle
En cas d’inaptitude à la suite d’une maladie professionnelle, l’indemnisation par l’employeur est renforcée : l’indemnité de licenciement est doublée, et l’indemnité de préavis est versée.
Possibilité de mettre en cause l’employeur
Enfin, la reconnaissance professionnelle de la dépression permet d’engager une procédure en reconnaissance de faute inexcusable à l’encontre de l’employeur. Cette action peut donner lieu à une majoration de la rente et à des dommages et intérêts complémentaires.
Faire reconnaître une dépression comme maladie professionnelle peut être complexe, mais les droits qui en découlent sont importants : meilleure indemnisation, prise en charge des soins, rente d’incapacité, droits à la retraite, et indemnités majorées en cas d’inaptitude.
Nos avocats, experts en droit du travail, sont à votre disposition pour répondre à toutes vos questions et vous conseiller. Nous proposons des consultations en présentiel ou en visioconférence. Prenez rendez-vous directement en ligne sur https://www.agn-avocats.fr/.
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