
En tant qu’employeur, il est parfois tentant de vouloir se séparer d’un salarié rapidement, quitte à se montrer laconique dans la rédaction de la lettre de licenciement.
Cet empressement peut néanmoins vous coûter cher, notamment en cas d’imprécision dans les motifs évoqués au soutien du licenciement.
La précision des motifs du licenciement : définition
Qu’est ce qu’un licenciement précisément motivé ?
Au terme de l’article L1232-1 du Code du travail :
« Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse ».
A ce titre, la lettre de licenciement doit, conformément à l’article L1232-6 du Code du travail, comporter l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.
Il s’infère de cet article que la lettre de licenciement doit contenir des motifs précis, objectifs et vérifiables (Cass. Soc. 14 mai 1996).
La précision s’érige donc en garde-fou contre des manquements qualifiés de manière trop générale, ou évasive, tels que :
- La simple référence à des fautes professionnelles (Cass. Soc. 8 janv. 1997, n°94-42.632) ;
- Une perte de confiance (Cass. Soc. 14 janv. 1998, n°96-40.165) ;
- Des problèmes occasionnés par le salarié, sans autre précision (Cass.23 mai 2000, n°98-40.635).
A contrario, ont été jugés comme suffisamment précis :
- La mauvaise qualité du travail (Cass. Soc. 23 mai 2000, n°98-40.634) ;
- Une incapacité à effectuer certaines tâches et un manque de rigueur (Cass. Soc. 29 mai 2002).
La frontière semble donc particulièrement ténue entre un motif imprécis et un motif qui, bien qu’énoncé de manière plutôt large, renvoie à un comportement bien identifiable.
Que faire en cas de doute sur la précision des motifs invoqués ?
Dans ce cas, il est important d’étayer au maximum une lettre de licenciement, notamment en visant des occurrences datées, des comportements matériellement précis et vérifiables à l’appui de preuves circonstanciées.
A défaut, l’employeur s’expose, en cas de saisine du Conseil de Prud’hommes, à une sanction dont la nature a évolué au gré des réformes.
Les sanctions en cas de motifs imprécis
Alors, quelles sanctions l’employeur encourt-il en cas de licenciement dont les motifs sont jugés imprécis par le Conseil de Prud’hommes ?
Antérieurement à l’entrée en vigueur des ordonnances dites « ordonnances Macron » du 22 septembre 2017, la Cour de cassation considérait qu’en l’absence d’énonciation des motifs dans la lettre de licenciement, ou en cas de motifs imprécis, assimilable à une absence de motifs, le licenciement devait être jugé sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 29 nov. 1990, n°88-44.308).
Cette solution, particulièrement sévère, avait pour conséquences de permettre au salarié de solliciter la condamnation de l’employeur à toutes les indemnités afférentes à un licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse, soit :
- Des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- L’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement en cas de licenciement pour faute grave ou lourde ;
- L’indemnité de préavis en cas de faute grave ou lourde, ainsi que les congés payés qui auraient été cumulés durant cette période.
Et maintenant ?
Les ordonnances de 2017 sont largement venues éroder l’intransigeance de la Cour de cassation.
En effet, cette réforme a donné lieu à l’apparition d’un nouvel article (L 1235-2) au sein du Code du travail, qui dispose :
« Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d’Etat.
La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.
A défaut pour le salarié d’avoir formé auprès de l’employeur une demande en application de l’alinéa premier, l’irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire ».
Il s’infère de cet article que tant la mise en œuvre que la nature de la sanction ont été modifiées en cas de licenciement dont les motifs seraient imprécis.
Clairement, comment cela fonctionne désormais ?
Il appartient soit au salarié de solliciter des précisions, soit à l’employeur d’en apporter de son propre chef, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du licenciement.
Cette étape est cruciale puisque, à défaut d’une telle diligence par le salarié notamment, ce dernier ne pourra plus invoquer l’imprécision des motifs de son licenciement devant le Conseil de Prud’hommes au soutien d’une demande de requalification de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur sera donc libre d’étayer son licenciement et d’en préciser les motifs devant le Conseil de Prud’hommes, à condition de ne pas invoquer de nouveaux griefs sont rapports avec ceux formulés au soutien du licenciement.
Dans ces conditions, le constat d’une insuffisance de motivation pourra uniquement entraîner la reconnaissance d’une irrégularité de procédure, sanctionnée par l’allocation d’une indemnité ne pouvant excéder un mois de salaire.
Si cette sanction apparaît mineure comparée à celle en vigueur sous la jurisprudence antérieure, elle n’est néanmoins pas négligeable, de sorte qu’une motivation suffisante ne doit pas être éludée par l’employeur.
Et si aucune des parties ne demande de précisions dans le délai imparti ?
L’article susvisé semble indiquer que, si le salarié demande des précisions, il pourra par la suite solliciter la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de l’imprécision des motifs.
La réalité est néanmoins plus nuancée.
En effet, il convient de distinguer deux cas de figure :
- L’employeur n’apporte pas de réponse ou une réponse qui n’étaye pas davantage les motifs du licenciement.
Dans ce cas, et dans la mesure où la lettre de licenciement, ainsi que les précisions ultérieures, fixent les limites du litige, le Conseil de Prud’hommes pourra considérer que l’imprécision équivaut à une absence de motifs, puisque l’employeur ne pourra étayer davantage les griefs, et mentionner d’autres griefs qui n’auraient pas été évoqués.
En somme, si les motifs sont trop imprécis, l’imprécision pourra équivaloir à une absence de motifs, ou à des motifs insuffisants, faute pour l’employeur de pouvoir invoquer des faits fautifs qui ne seraient pas clairement mentionnés dans la lettre de licenciement et la lettre ultérieure.
- L’employeur apporte une réponse et étaye les motifs imprécis évoqués dans la lettre de licenciement
Dans ce cas, et sous couvert que les motifs initiaux et ultérieurs soient suffisants pour justifier le licenciement, le salarié ne pourra ni solliciter d’indemnité pour irrégularité de procédure, les motifs ayant été précisés dans un second temps, ni pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce dernier étant considéré comme reposant sur des éléments précis, objectifs et vérifiables.
La procédure de licenciement se révélant donc être jonchée d’embuches, nos avocats se tiennent à votre disposition pour répondre à toutes vos questions et vous conseiller. Nos entretiens peuvent se tenir en présentiel ou en visio-conférence. Vous pouvez prendre rendez-vous directement en ligne sur www.agn-avocats.fr.
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