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Accidents du travail et maladies professionnelles (AT et MP) : un enjeu caché qui pèse lourd sur les charges des entreprises

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Pour de nombreux chefs d’entreprise, les accidents du travail (AT) et maladies professionnelles (MP) sont perçus uniquement comme un sujet humain et organisationnel.

Protéger la santé des salariés, assurer leur sécurité et éviter les risques font naturellement partie des priorités.

Mais au-delà de la dimension sociale, il existe un enjeu moins visible mais tout aussi déterminant : l’impact financier de la reconnaissance des AT/MP sur les charges patronales.

Chaque accident ou maladie reconnu(e) au titre de la législation sur les risques professionnels peut, en effet, alourdir le taux de cotisation « accidents du travail et maladies professionnelles » de l’entreprise et générer un coût indirect parfois considérable. Or, trop souvent, les entreprises sous-estiment ce mécanisme ou hésitent à exercer leur droit à contestation. Pourtant, cette vigilance est essentielle pour préserver leur équilibre économique.

Comprendre comment un AT/MP influence les cotisations 

Le système français repose sur un principe clair : les entreprises financent, via les cotisations AT/MP versées à l’URSSAF, la réparation des accidents du travail et maladies professionnelles.

Concrètement, chaque sinistre reconnu (accident ou maladie) est imputé sur le « compte employeur » de l’établissement tenu par la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT).

En fonction de l’effectif de l’établissement, les entreprises sont différemment impactées par leur sinistralité (taux collectif, mixte ou individuel).

Un accident du travail ou une maladie professionnelle se voit attribuer une valeur financière en fonction de l’activité de l’entreprise, de la durée de l’arrêt et de sa gravité.

Ainsi, un accident apparemment « mineur » peut avoir un impact budgétaire significatif plusieurs années après sa survenue. Dans certains cas, le coût répercuté sur l’entreprise dépasse largement la dépense initiale.

Le barème des coûts moyens publié chaque année par arrêté permet de se rendre compte du coût moyen forfaitaire d’un sinistre selon sa gravité et selon son secteur.

Exemple :

Pour un accident survenu à un salarié travaillant dans le secteur de la métallurgie lui ayant occasionné 165 jours d’arrêt de travail et une incapacité permanente fixée par le médecin conseil de la CPAM à 23% :

Ce cas représente un coût moyen de 41 132 euros lié à la durée de l’arrêt, auquel s’ajoutent 135 675 liés à l’incapacité permanente. 

Des coûts visibles… et surtout cachés

La législation sur les risques professionnels fonctionne ainsi comme un système assurantiel : en cas de survenance d’un sinistre l’entreprise n’a pas à payer directement les frais/soins pris en charge par la CPAM, mais en contrepartie, le sinistre impacte durablement le taux de cotisations (taux AT/MP fixé annuellement par la CARSAT x masse salariale).

Il est en outre important de préciser que les conséquences financières de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle reconnue ne sont pas immédiatement subies par l’entreprise, puisque le calcul des cotisations s’opère sur les trois années antérieures.

Exemple : Pour une maladie survenue en 2025, sur le feuillet « compte triennal » de l’entreprise, apparaîtra en 2027, les sinistres imputés sur les années 2023, 2024 et 2025.

Pourtant ces décisions de prise en charge passent inaperçues, alors même qu’elles génèrent des coûts cachés importants.  

Au-delà de l’impact financier lié à l’augmentation des cotisations AT/MP, la reconnaissance d’un sinistre par la CPAM présente également des enjeux en matière de contentieux prud’homal.

En effet, le salarié peut invoquer un manquement de la part de son employeur à son obligation de sécurité, avec un risque de condamnation pour faute inexcusable.

En outre, la Cour de cassation considère que l’accident du travail ou la maladie professionnelle reconnue par la CPAM dont la décision n’a pas été contestée par l’employeur, s’impose au juge prud’homal, lequel ne peut plus remettre en cause la qualification professionnelle pour contester l’origine professionnelle de l’inaptitude de son salarié et devient donc redevable des indemnités afférentes à l’inaptitude professionnelle (Double de l’indemnité légale et indemnité compensatrice égale au montant de l’indemnité de préavis – Articles L.1226-14 et L.1226-16 du Code du travail).

« Lorsqu’un accident du travail ou une maladie professionnelle a été reconnu par la caisse primaire d’assurance maladie par une décision non remise en cause, cette décision s’impose au juge prud’homal auquel il revient alors de se prononcer sur le lien de causalité entre cet accident ou cette maladie et l’inaptitude et sur la connaissance par l’employeur de l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie. » (Soc. 18 septembre 2024, n°22-22782)

Dans cette configuration, la protection attachée à l’inaptitude d’origine professionnelle devient quasi automatique, renforçant l’importance stratégique d’une gestion active des dossiers AT/MP.

Ces contentieux représentent non seulement un risque financier majeur, mais peuvent aussi ternir la réputation de l’entreprise et déstabiliser le climat social. Anticiper ces enjeux en mobilisant étroitement les équipes RH, juridiques et prévention est donc crucial pour assurer une gestion efficace des dossiers AT/MP.

Contester : un droit souvent méconnu

Contrairement à une idée reçue, la reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle par la CPAM n’est pas irrévocable. L’employeur dispose d’un droit à contestation, encadré par le Code de la sécurité sociale.

Motifs fréquents de contestation :

  • L’accident n’a pas de lien réel avec l’activité professionnelle (absence de témoin lors de l’accident, cause extra-professionnelle, déclaration tardive etc.)
  • La maladie invoquée ne remplit pas les critères du tableau des maladies professionnelles (délais ou les conditions de prise en charge ne sont pas respectés)
  • Une cause étrangère au travail (ex : état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte)
  • Erreur dans l’imputation au compte employeur (sinistre attribué à tort à l’entreprise).

Cette liste n’est pas exhaustive : l’employeur doit rester vigilant et s’interroger sur chaque dossier en fonction des circonstances spécifiques, en s’appuyant sur les avis médicaux et les éléments factuels. Une contestation bien fondée peut permettre de limiter les impacts financiers et juridiques.

Les procédures à connaître pour contester un accident du travail ou une maladie professionnelle :

  1. Observations lors de l’enquête de la CPAM : l’employeur peut transmettre des éléments avant la décision. Des délais sont fixés par le Code de sécurité sociale dans le cadre de l’instruction par la Caisse du dossier de maladie professionnelle ou d’accident du travail.
  2. Recours gracieux devant la CPAM : en cas de contestation de la décision de reconnaissance d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, l’employeur doit obligatoirement saisir la Commission de recours amiable dans les deux mois de la notification de la décision de prise en charge de la Caisse.
  3. Contentieux devant le Pôle social du Tribunal judiciaire : En cas de décision défavorable de la Commission de recours amiable ou décision implicite de rejet dans les deux mois de sa saisine, l’employeur peut saisir dans les deux mois le Tribunal judiciaire Pôle social pour contester cette décision.

Les enjeux financiers d’une contestation réussie

Une contestation aboutie peut générer des économies substantielles :

  • Annulation de l’imputation au compte employeur, ce qui évite une hausse du taux de cotisation et réductiondes coûts sur plusieurs années : chaque sinistre reconnu peut impacter le taux pendant trois ans (voire plus en cas de rente).
  • Incidence sur les risques contentieux prud’homaux et de faute inexcusable.

Prenons un exemple concret :

Un salarié victime d’une maladie professionnelle bénéficie d’une rente annuelle de 8 000 €. Si cette charge est imputée à l’entreprise, le surcoût en cotisations peut dépasser 100 000 € sur dix ans. Une contestation réussie permet d’éviter cet impact massif.

A noter : la décision de la CPAM est définitive à l’égard du salarié mais l’employeur peut contester son opposabilité pour désimputer le sinistre de son compte employeur.

Les accidents du travail et maladies professionnelles ne sont pas seulement un enjeu social et humain, mais aussi un enjeu financier majeur et souvent méconnu. Chaque reconnaissance par la CPAM peut peser lourdement sur les charges patronales pendant plusieurs années.

Contester, lorsqu’il y a matière à le faire, n’est pas un luxe mais un véritable levier de compétitivité pour l’entreprise. Cela suppose d’être vigilant, réactif et de s’appuyer sur une expertise juridique adaptée.

En définitive, le meilleur moyen de réduire durablement les coûts liés aux AT/MP reste la prévention. Mais face à une décision contestable, l’entreprise a tout intérêt à exercer son droit de recours : une stratégie discrète mais redoutablement efficace pour préserver sa santé financière.

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