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Congés payés – Report des congés et prescription

Notre droit national ne permet pas l’application de la directive européenne ni celle de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Fort de ce constat et pour la première fois en matière d’acquisition de congés payés, la Cour de cassation a écarté les dispositions légales de notre droit interne pour appliquer directement le droit européen constatant la nécessité d’appliquer ce dernier.

La Cour de cassation a suivi sa lancée des derniers arrêts de septembre 2021 et mars 2022 qui laissaient entrevoir qu’elle irait plus loin afin d’imposer la mise en conformité des droits nationaux au droit européen (Cass.soc. 15 septembre 2021 n°20-16010 ; Cass.soc. 2 mars 2022 n°20-22214).

Elle avait trouvé le fondement juridique pour laisser inappliquée une réglementation nationale sur le fondement de l’article 31 de la Charte européenne des droits fondamentaux de l’Union européenne, dupliquant elle-même le raisonnement exposé par la Cour de justice de l’Union européenne dans une affaire de 2018 (CJUE 6 novembre 2018, aff. C-569/16).

C’est dans ce contexte qu’interviennent une série d’arrêts en date du 13 septembre 2023 portant sur l’acquisition, la prescription et, la prise de congés payés par les salariés.

Sur le report des congés payés non pris lors du départ en congé parental (Cass. soc. 13 septembre 2023, n°22-14.043)

La Chambre sociale de la Cour de cassation s’est conformée au droit européen en estimant qu’il résulte des articles L.3141-1 et L.1225-55 du Code du travail interprétés à la lumière de la directive 2010/18/UE du Conseil du 8 mars 2010 que lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l’année de référence en raison de l’exercice de son droit au congé parental, les congés payés acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail (Cass. soc. 13 septembre 2023, n°22-14.043).

Ainsi, désormais les congés payés non pris lors du départ en congé parental ne sont plus perdus.

Cette solution jurisprudentielle est cohérente avec la nouvelle rédaction de l’alinéa 3 de l’article L.1225-54 du Code du travail introduit par la loi n°2023-171 du 9 mars 2023 disposant que « le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé », incluant par conséquent les congés payés.

Sur le point de départ de la prescription triennale du droit à congés payés (Cass. soc. 13 septembre 2023, n°22-11.106)

La chambre sociale juge désormais que le délai triennal de prescription court à l’expiration de la période légale ou conventionne au cours de laquelle les congés auraient pu être pris, mais à condition que l’employeur justifie avoir pris les mesures pour permettre au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, droit essentiel selon la CJUE (Cass. soc. 13 septembre 2023, n°22-11.106 ; CJUE, 6 novembre 2018, n°s C-569/16 et C-570/16)

Autrement dit, l’employeur ne peut invoquer la prescription triennale s’il n’a pas accompli les diligences lui incombant légalement puisque le point de départ de la prescription n’a pas pu courir.

Il appartient alors à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congés payés et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement (Cass. Soc.  13 jui 2012, n°11-10.929).

Les employeurs ont donc intérêt à respecter les diligences légalement prévues par exemple information de la période de prise de congés 2 mois avant l’ouverture de la période (article D 3141-5 du Code du travail) ou encore la mention obligatoire sur le bulletin de paie de la date des congés de la période et le montant de l’indemnité (article R 3243-1 du Code du travail).

Un revirement jurisprudentiel rétroactif ?

A notre sens, cette solution s’applique rétroactivement puisqu’il s’agit de l’application de la directive européenne 2003/88/CE du 4 novembre 2003 relative au temps de travail qui devait être transposé en droit français.

A ce titre l’article 7 de la directive européenne 2003/88/CE dispose que « les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. »

D’un point de vue pratique cela signifie que la prescription n’a pas commencé à courir en raison de la non-conformité du droit français au droit communautaire ce qui pourrait permettre aux salariés de réclamer des indemnités compensant ces droits à congés non acquis.

L’impact financier de ces solutions jurisprudentielles n’est pas négligeable puisque cette mise en conformité avec le droit européen crée une dette temporelle envers les salariés concernés antérieurement au 13 septembre 2023.

Ce revirement jurisprudentiel ne garantit donc que très peu de sécurité juridique à l’égard des employeurs.

Seule une intervention du législateur et ainsi la promulgation d’une loi de validation pourrait permettre d’écarter cette rétroactivité.

Et la responsabilité de l’Etat ?

Comme indiqué ci-avant, l’article 7 de la directive européenne 2003/88/CE imposait à l’état français de mettre en conformité le droit national.

En outre, l’article 31.2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ayant une valeur supra-législative posait déjà le principe selon lequel « tout travailleur a droit à une période annuelle de congés payés ».

L’absence de conformité du droit français au droit européen a fait l’objet d’alertes répétées provenant de la chambre sociale de la Cour de cassation.

Par ce revirement jurisprudentiel du 13 septembre 2023, la Haute juridiction entérine ainsi la non-conformité du droit français au droit communautaire et entend y remédier.

Toutefois, les conséquences juridiques et financières de cette solution jurisprudentielle sont importantes pour les employeurs et l’on peut s’interroger sur la responsabilité de l’état.

La Cour administrative d’appel de Versailles ayant déjà condamné le 18 juillet 2023 l’Etat français pour mauvaise transposition d’une directive communautaire et à verser des dommages et intérêts à des syndicats de salariés, la responsabilité étatique pourrait être de nouveau engagée en raison de l’absence de transposition de la directive européenne 2003/88/CE.

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