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La faute inexcusable et le glyphosate : une indemnisation est-elle possible ?

Alors que des premières décisions judiciaires sont venues reconnaître la faute inexcusable d’un employeur pour des salariés ayant été exposés à des produits phytosanitaires, notamment à des désherbants contenant du glyphosate, les actions contentieuses se multiplient. Néanmoins celles-ci se heurtent encore à une controverse scientifique sur cette molécule et un défaut de cadre juridique, notamment sur la notion de faute inexcusable appliquée à l’exposition au glyphosate.

Force est de constater que la jurisprudence évolue dans ce domaine, tout comme cela avait été le cas avec l’amiante. S’agissant spécifiquement du glyphosate – tristement célèbre pour être un des composants du Roundup –, celui-ci est un herbicide faisant l’objet de nombreuses polémiques quant à sa nocivité. En effet, son utilisation dans les espaces ouverts au public est d’ailleurs interdite en France depuis le 1er janvier 2017, de même que son usage par les particuliers depuis le 1er janvier 2019. Celui-ci est néanmoins encore utilisé dans l’agriculture et dans le domaine viticole.

Ces controverses conduisent à se demander si la faute inexcusable de l‘employeur pourrait être admise en cas d’exposition d’un salarié au glyphosate.

1. La faute inexcusable de l’employeur : définition

La faute inexcusable n’est pas définie légalement, c’est la jurisprudence, par une série d’arrêts rendus le 29 février 2002 à propos de salariés victimes de maladies professionnelles liées à l’amiante, qui est venue apporter des éléments de définition de la faute inexcusable de l’employeur.

La faute inexcusable découle de l’article L 452-1 du Code de la sécurité sociale qui dispose qu’en vertu du contrat de travail, l’employeur est tenu envers ses salariés à une obligation de sécurité et de protection de la santé et ce, notamment concernant les maladies professionnelles du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise.

Le manquement à cette obligation au sens de l’article 1147 du Code civil est constitutif d’une faute inexcusable au regard de l’article L.452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires de prévention ou de protection pour l’en préserver[1].

La Cour de cassation précise qu’il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante du dommage causé au salarié mais qu’il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée et ce, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage[2].

L’appréciation de la conscience du danger suppose donc un certain degré de prévisibilité dans le risque auquel est exposé le salarié, la Cour de cassation constatant que l’auteur « ne pouvait pas ne pas en avoir conscience », « ne pouvait ignorer », ou encore que celui-ci « aurait dû en avoir connaissance ».

S’agissant du glyphosate, son usage étant interdit aux particuliers ainsi que dans les espaces ouverts au public, cela pourrait attester de la nocivité substantielle que présente ce produit, à risque pour l’homme et à cette fin, justifierait que les employeurs ne pourraient ignorer sa dangerosité et seraient donc tenus de prendre les mesures d’informations et de protection nécessaires à l’égard de leurs employés exposés à ce produit. Pour certains, cela suffirait à démontrer que la prévisibilité du risque en cas de manipulation du glyphosate semble difficilement contestable.

Néanmoins, cela ne suffit pas encore à justifier une position unifiée de la jurisprudence sur cette question.

2. Les éléments constitutifs de la faute inexcusable appliqués au glyphosate

Pour que la faute inexcusable de l’employeur puisse être retenue, cela nécessite la réunion de plusieurs éléments. D’une part, cela exige l’existence d‘un dommage bien déterminé, c’est-à-dire la reconnaissance de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle. D’autre part, cela suppose de démontrer la conscience qu’avait ou aurait dû avoir l’employeur du danger auquel était exposé le salarié ainsi que l’absence de mesure de prévention et de protection pour le protéger. Enfin, en termes de lien de causalité, il suffit que la faute ou la négligence de l’employeur ait simplement concouru à la réalisation du dommage.

S’agissant des substances dangereuses, alors qu’aux Etats-Unis, les condamnations à l’égard de la société Monsanto se multiplient, concernant des procès diligentés par des particuliers souffrant de cancers par suite de l’utilisation de l’herbicide « Roundup » à base de glyphosate, la Cour de cassation a récemment condamné la firme au sujet d’un autre herbicide[3].

Toutefois, un point fondamental s’oppose à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur s’agissant des substances dangereuses et notamment du glyphosate, dans la mesure ou la Cour de cassation semble maintenir une distinction entre les entreprises qui les produisent, celles qui y ont recours comme matière première et celles qui en font une simple utilisation.

En effet, s’agissant des entreprises en faisant une simple utilisation, les juridictions se montrent moins restrictives dans la mesure où, elles estiment que l’employeur ne peut avoir conscience du danger sauf si une réglementation restrictive est déjà en vigueur.

Cela fait indéniablement écho à l’amiante, dont les réglementations à son utilisation ont seulement commencé à voir le jour en 1977, et dont la vente et la fabrication n’ont été interdites qu’en 1996, alors même que la nocivité de l’amiante et la gravité des maladies liées à son exposition étaient déjà connues bien avant.

En tout état de cause, le Centre international de recherche sur le cancer placé auprès de l’Organisation mondiale de la santé a publié en mars 2015, un rapport concluant que le glyphosate devait désormais être classé cancérogène probable pour l’homme ce qui démontre une certaine vigilance à avoir quant à son usage, d’autant plus que les premiers symptômes des maladies qui s’ensuivent peuvent n’apparaître que des années après l’exposition mais, pour l’heure, aucune réglementation officielle restrictive à l’égard du glyphosate n’a vu le jour.

Cela présage donc probablement la multiplication des actions en faute inexcusable de l’employeur devant le pôle social du Tribunal judiciaire.

Nos avocats se tiennent à votre disposition pour répondre à toutes vos questions et vous conseiller. Nos entretiens peuvent se tenir en présentiel ou en visio-conférence. Vous pouvez prendre rendez-vous directement en ligne sur http://www.agn-avocats.fr.

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[1] Cass. Civ. 2ème, 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.021 ; Cass. Civ. 2ème, 8 octobre 2020, n°18-26.677.

[2] Cass . Ass plen, 24 juin 2005, n°03-30.038

[3] Cass. 1ère civ., 21 oct. 2020, n°19-18689

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